Adventices
Leviers de gestion des adventices
Potentiel d'infestation - Succésion culturale
Mode d’action de la diversification culturale sur les adventices
L’intérêt principal d’une rotation diversifiée est de varier les dates de semis des cultures, et ainsi les périodes de levées préférentielles des espèces adventices. Cela évite l’apparition d’une flore dominante, dont le stock semencier est réalimenté chaque année et favorise la dégradation des graines dans le sol.
La diversification culturale permet également la diversification des modes d’action herbicides, ainsi que des possibilités de désherbage complémentaire comme le binage.
La diversification de la rotation peut s’accompagner d’une diversification des opérations culturales, comme le labour, le non-labour, le semis sous couvert, etc…, complétant les leviers de perturbation du cycle des adventices.
Adventices cibles
Les adventices dont le TAD est élevé, comme le vulpin des champs ou le gaillet gratteron sont plutôt inféodées aux cultures d’hiver, tandis que le chénopode blanc, la renouée persicaire et l’amarante réfléchie dont le TAD est faible sont plutôt inféodées aux cultures de printemps et d’été. Par conséquent, l’efficacité attendue de la diversification culturale est meilleure dans le cas de l’introduction de cultures de printemps et d’été dans une rotation à base de céréales d’hiver, que dans le cas de l’introduction de cultures d’hiver dans une rotation à base de cultures de printemps/été.
Plus les dates de semis de deux cultures sont proches, plus la composition de la flore adventice qui les concerne est proche (Meiss et al., 2010).
En complément des adventices à TAD élevé, la diversification des périodes de semis (permis par la diversification de la rotation) a une efficacité plus importante pour les espèces adventices aux périodes de germination très marquées comme le vulpin des champs, par rapport aux adventices ubiquistes, capables de germer toute l’année et de s’adapter à différents systèmes culturaux : le pâturin annuel et le séneçon commun (Fried et al, 2012).
Performances agronomiques
Les performances agronomiques sont variables selon la diversification culturale mise en place. L’efficacité peut être mesurée par la réduction de l’IFT herbicide engendrée.
Introduction de culture(s) de printemps dans une rotation COP
L’introduction d’une culture de printemps dans une rotation composée exclusivement de cultures d’hiver ne modifie pas l’IFT herbicide de la culture d’hiver. Cependant, ce dernier chute :
- de 15% à partir de l’ajout d’une deuxième culture de printemps
- de 25% à partir de l’ajout d’une troisième
- de 39% à partir de la présence de 4 cultures de printemps
Enquête Agro-Transfert
Dans les systèmes agricoles sans travail du sol, la diversification de la rotation s’avère efficace vis-à-vis de la gestion des adventices : leur densité peut être réduite de 65% par rapport à des rotations simples (Anderson, 2008).
Cette enquête réalisée auprès d’agriculteurs conventionnels a montré que le type de flore est très lié au type de système de culture. Quand il y a une dominante de cultures d’hiver, les adventices préoccupantes sont majoritairement à levée automnale. Inversement, dans les systèmes à dominante de cultures de printemps, elles sont plutôt à levée printanière.
Inversement, dans les systèmes à dominante de cultures de printemps, elles sont plutôt à levée printanière.
Les systèmes avec des cultures d’hiver et de printemps à part égale présentent une communauté adventice sans espèce dominante et moins abondante ( fréquence de citation plus faible que pour les autres systèmes de cultures). L’utilisation d’herbicides (IFT H) est moins important dans ces systèmes équilibrés.
Introduire une prairie temporaire ?
L’introduction d’une prairie temporaire sur plusieurs années au sein d’une rotation culturale contribue efficacement à la gestion des adventices (Viaux et al., 1999). L’enquête Agro-Transfert (Pernel, 2008) montre que les rotations avec des cultures pluriannuelles sont celles avec les plus faibles IFT H (1,52). L’absence de travail du sol sur la durée de présence de la prairie induit la disparition des semences adventices dont le TAD le permet.
De même, l’absence de production grainière des adventices grâce aux fauches régulières permet d’éviter l’alimentation du stock semencier. Les espèces composant le couvert exercent une concurrence pour la lumière et l’eau ; à titre d’exemple, une luzerne associée peut être cultivée à 500 plantes/m2, bien plus qu’une céréale à paille à 250 plantes ou un maïs à 10 plantes/m2.
Retour d'expérience
Jean-Marc est éleveur laitier (région à forte pression foncière).
Historiquement, il était amené, pour couvrir les besoins en fourrages de son troupeau, à faire de la monoculture de maïs, avec de nombreux problèmes : gestion des adventices difficiles, hausse des herbicides, stagnation des rendements, manque de paille, diminution de la vie des sols…
Pour pallier à cela, il décide de faire des échanges parcellaires avec un voisin légumier, adhérent à la même CUMA que lui. D’autres agriculteurs ont par la suite rejoint l’assolement en commun.
La diversification culturale liée à l’assolement en commun a permis de réduire l’infestation en adventices sur les parcelles de Jean-Marc, avec des coûts de désherbage qui ont été réduits de 150 à 40 €/ha .
A noter, d’autres intérêts pour les différentes parties prenantes : apport de fumier plus régulier, sécurisation de l’approvisionnement en paille, allongement du délai de retour de cultures très sensibles à certains pathogènes.
Perspectives et limites
- La diversification de la rotation culturale permet de limiter le niveau de l’infestation en adventices, à condition que cette diversification des cultures s’accompagne d’une diversification des périodes de semis.
- La diversification de la rotation culturale nécessite d’identifier en amont des débouchés commerciaux pour la valorisation des cultures nouvellement introduites.
- Cette diversification peut être plus aisée à valoriser en système polyculture-élevage, car la ou les cultures introduites peuvent être autoconsommées sur l’exploitation, comme les cultures fourragères.
- L’introduction de cultures de printemps sur des parcelles dont les sols sont superficiels, à faible réserve utile et non irrigables peut s’avérer délicate, avec des rendements très aléatoires en ces conditions.
Pour aller plus loin
Protocole d’observation des annuelles
Protocole d’observation des vivaces
Adventices ciblées par cette pratique
Références bibliographiques
- Anderson R.L., 2008. Diversity and no-till: Keys for pest management in the US great plains. Weed Science, 56, 141-145.
- Cardina J., Herms C.P., Doohan D.J., 2002. Crop rotation and tillage system effects on weed seedbanks. Weed Science, 50 (4), 448-460.
- Fried G., Kazakou E., Gaba S., 2012. Trajectories of weed communities explained by traits associated with species’ response to management practices. Agriculture, Ecosystems & Environment, 158, 147-155..
- Liebman M., Dyck E., 1993. Crop rotation and intercropping strategies for weed management. Ecological Applications, 3 (1), 92-122.
- Meiss H., Médiène S., Waldhardt R., Caneill J., Munier-Jolain N., 2010a. Contrast weed species composition in perennial alfalfas and six annual crops: implications for integrated weed management. Agronomy for Sustainable Development, 30 (3), 657-666.
- Meiss H., Médienne S., Waldhardt R., Caneill J., Reboud X., Munier-Jolain N., 2010b. Perennial lucernes affect weed community trajectories in grain crop rotations. Weed Research, 50 (4), 331-340.
- Pernel J., 2008. Production Intégrée et Adventices : Analyse de l’impact des pratiques culturales sur le potentiel d’infestation des mauvaises herbes dans les systèmes de culture de Picardie; Mémoire de fin d’études, Clermont-Ferrand, 40p.
- Viaux P., Bodet J.M., Le Gall A., 1999. Complémentarité herbe-cultures dans les rotations. Fourrages, 160, 345-358.
- Vuillemin F., 2023. Gérer les adventices dans la rotation : l’importance du choix de la succession culturale.