Adventices
Leviers de gestion des adventices
Potentiel d'infestation - Non réalimentation du stock semencier
Mode d'action général
L’objectif est d’éviter que des adventices sur la parcelle ne viennent enrichir le stock semencier. Celui-ci comprend les graines viables dans l’horizon superficiel ou en surface. Les pratiques peuvent ainsi agir sur la viabilité des graines ou leur exportation hors de la parcelle. Voici une liste de pratiques avec un impact sur ce retour au stock :
Viabilité des graines | Exportation hors de la parcelle |
Ecimeuse non-récupératrice | Ecimeuse récupératrice |
Broyage des menues pailles | Exportation des menues pailles |
Ensilage immature |
Ecimage
Adventices cibles
L’écimage est pertinent pour toutes les adventices dont l’inflorescence dépasse de la culture. La folle avoine et l’ambroisie à feuille d’armoise sont de bons exemples. La pratique est moins pertinente pour des adventices vivaces dont la colonisation s’effectue peu par les graines et davantage par les organes végétatifs.
L’écimage et l’ensilage immature ont moins d’efficacité pour des adventices dont les graines sont matures dès l’inflorescence, comme le rumex, car il est capable de fleurir plusieurs fois par saison culturale (Hume et Cavers, 1983), et car 15% des graines d’une hampe florale verte ont la capacité de germer (Agridea, 2007). De plus, les tiges fleuries du rumex seraient capables de continuer à produire des graines viables après avoir été sectionnées (Weaver et Cavers, 1980).
Le rumex produit annuellement jusqu’à 60 000 graines (Cavers et Harper, 1964).
Efficacité
L’efficacité dépend de la quantité de graines éliminées.
Dans le cas d’une écimeuse récupératrice, plus l’écimage est proche de la pluie de semence, plus il est efficace.
Dans le cas d’une écimeuse non-récupératrice, l’objectif est d’obtenir le meilleur ratio entre quantité de graines écimées (le plus possible) et quantité de graines viables (le moins possible).
Expérimentation
Nous avons testé l’écimage sur des parcelles ayant des problématiques de salissement en vulpin des champs, en travaillant sur 4 hauteurs d’écimage, 3 dates, sur 3 sites et sur une année.
Cette expérimentation a eu lieu dans le cadre du projet COPRAA, porté par l’INRAE.

- La hauteur H1 correspond à une coupe supérieur à 5 cm au-dessus de la culture.
- H2 correspond à la hauteur maximale de la culture, soit la hauteur idéale.
- La hauteur H3 est inférieur à H2 mais n’occasionne pas de contact avec les épis de la culture. La dernière feuille est légèrement coupée.
- H4 est la hauteur minimum et correspond à la section des épis de vulpin restant sous la culture.
Les trois dates d’écimage sont fin mai, début juin et mi-juin. Les trois sites sont situés dans les départements de la Somme, de la Bourgogne et de l’Eure.


- Nous constatons que plus la date d’écimage est tardive, plus la quantité de graines écimées est importante.
- La meilleure efficacité de l’écimage sans sectionner le haut de la culture est de 70% de graines écimées lors du passage le plus tardif (D3).
- La viabilité des graines de vulpin est inférieure à 10% au 1er juin en culture de blé. Cette date est optimale pour écimer (D2), avec une efficacité de 60% de graines écimées.
Et pour les adventices printanières
La pratique de l’écimage est également possible sur les chénopodes, adventice dont la taille importante facilite l’intervention, et ayant un potentiel grainier élevé.

L’écimage ne doit pas s’effectuer trop tôt sur chénopode, car celui-ci est capable de « redémarrer », c’est-à-dire de continuer son cycle physiologique, voir même de refaire des branches, qui bloqueraient un éventuel second passage. Il faut donc l’écimer au stade fin floraison.
Il est possible d’écimer un couvert végétal, comme des crucifères avant leur montée en graine (Chambre d’agriculture Occitanie, 2023).
Perspectives et limites
- Pour que l’écimage soit efficace, les adventices doivent être suffisamment grandes pour dépasser de la culture.
- Il faut veiller à ce que la fauche du haut de l’adventice ne favorise pas un « tallage » ou un redémarrage de cette dernière (Gayrard et al., 2024).
- L’efficacité de l’écimage est rarement totale puisqu’une partie des adventices est susceptible de ne pas dépasser de la culture.
- L’écimage reste une solution abordable et utilisable dans un large panel de cultures. Elle fait partie des solutions « pompiers », en s’appliquant après un échec de désherbage par exemple.
Ensilage immature d'une céréale
Mode d'action
Cette technique consiste à ensiler, au stade immature, à la fois la céréale et les adventices s’y trouvant, pour exporter les graines d’adventices immatures hors de la parcelle.
L’absence de chutes de graines d’adventices viables à la surface du sol, et donc la non-réalimentation du stock semencier, ainsi que la valeur élevée du TAD des graminées sont les deux piliers de la réussite de l’ensilage en immature.
Adventices cibles
La répétition des ensilages immatures sur une même parcelle chaque année peut, d’un point de vue biologique, se raisonner en fonction du TAD de la ou des adventice(s) problématique(s). Mais cette pratique, qui est une solution de dernier recours suite à un échec de désherbage, n’est usuellement pas répétée plusieurs années.
- La plupart des graminées annuelles (sauf folle-avoine, agrostis jouet du vent, et PSD au TAD de 50%) ont un stock semencier dit transitoire, dont le TAD est compris entre 70 et 85%. En l’absence de réalimentation du stock, ces adventices persisteront pendant trois ou quatre ans. Attention : la production grainière est très forte.
- Les dicotylédones ont un stock semencier moyennement persistant : leur TAD est situé autour de 50%. En l’absence de réalimentation du stock, ces adventices persisteront au moins 6 à 8 ans. Il est donc pertinent de limiter le retour au stock de ces adventices, car une fois présentes, elles seront difficiles à destocker.
Modalités techniques
La réalisation de la technique s’effectue au moyen d’une ensileuse automotrice. Celle-ci peut être équipée de becs maïs rotatifs de type Kemper, permettant une alimentation homogène et continue de l’ensileuse et un hachage régulier de la culture. (Arvalis, 2016). Ces becs possèdent des toupies de 3 étages afin de mieux récolter une céréale qui serait versée. (Bordeau, 2023).
Les céréales et les adventices étant immatures, il est inutile d’activer l’éclateur de grains. Enfin, la coupe nette de la culture sera permise par un bon affûtage des couteaux. Les graminées ensilées sont capables de repartir en végétation en talant. Il faut donc surveiller jusqu’à la prochaine destruction mécanique ou chimique que ces graminées ne génèrent pas de nouveaux épis.
Ce phénomène a davantage de probabilités d’avoir lieu si l’ensilage est réalisé trop tôt ; la date de l’ensilage a donc une importance majeure vis-à-vis de son efficacité.
Expérimentation
Nous avons testé cette technique sur une parcelle de la Somme pendant 2 ans, particulièrement infestée par différentes graminées, et dont le potentiel en blé habituel est de 80 qx/ha. Ce potentiel s’est trouvé réduit de plusieurs dizaines de quintaux suite à une forte infestation en graminées.
La technique a donc été mise en place sur cette parcelle afin d’évaluer son effet sur les graminées adventices. Deux cultures se succèdent sur cette durée, un blé d’hiver et une orge d’hiver, espacées par un couvert d’interculture courte. Une partie de la parcelle a été conduite sans réalisation d’ensilage. Une deuxième partie a été ensilée une fois, avant la moisson du blé. Enfin, une troisième partie a été ensilée au même moment avant la moisson du blé, ainsi qu’avant la moisson de l’orge d’hiver.
Ce dispositif est visible sous la forme du schéma suivant.

Performances agronomiques

Nos résultats d’expérimentation ci-contre permettent de constater l’évolution intéressante des effectifs de graines de graminées dans le sol et de leurs levées, même si le salissement final reste encore trop important.
L’ensilage au stade immature empêche l’alimentation du stock semencier des graminées adventices du sol. La technique de l’ensilage en immature appliquée sur l’étendue de la période de viabilité de germination d’une adventice permet donc de participer à l’épuisement du stock semencier de celle-ci dans le sol.
L’effet de l’ensilage immature répétés sur 2 années n’est donc pas visible sur le nombre de levées de graminées sur la parcelle qui reste conséquent, mais est significatif sur la décroissance de leur stock semencier.
L’ensilage en immature d’adventices aux TAD élevés participe à la réduction du stock semencier. Lorsque l’objectif est tourné davantage vers la non-réalimentation de ce dernier, la technique est pertinente pour des adventices aux TAD faibles.
Performances technico-économiques
Le produit de l’ensilage en immature est dans notre cas, vendu à une unité de méthanisation.
Lors de la deuxième année d’ensilage, la valorisation en méthanisation permet d’obtenir un gain supérieur par rapport à la vente de la culture en grain, car la pression en adventice pénalise grandement le rendement. Ici, la perte est de 30 qx/ha.

L’ensilage au stade immature permet bien de diminuer le stock grainier d'adventices en exportant celles qui sont en végétation sans leur laisser le temps d’accomplir leur cycle de maturation.
Perspectives et limites
- Cette technique est cependant coûteuse et nécessite la présence d’une unité de méthanisation à proximité de la parcelle ou d’un élevage.
- Elle reste une solution « pompier » intéressante, c’est-à-dire qu’elle permet de rattraper un échec de désherbage de la culture qui induit une importante chute de rendement.
- La mise en place de l’ensilage immature peut donc être opportuniste puisqu’il a lieu lorsque le salissement de la culture est jugé inacceptable par l’agriculteur, mais il peut aussi être prévu : cette technique devient alors un levier à part entière de gestion. Son objectif est alors l’obtention d’une valeur importante de biomasse et l’optimisation de sa valorisation.
Gestion des menues pailles
La menue paille est constituée de petits brins de paille, glumes, glumelles (ou siliques) mais aussi de graines provenant des adventices et du précédent. Selon les cultures et les années, la production varie de 1,5 à 2,5 t/ha (Arvalis). Cette méthode ne présente qu'un intérêt pour les adventices dont les graines ne sont pas tombées au sol lors de la moisson, comme le ray-grass par exemple.
Performances technico-économiques

Voici un essai conduit de 2014 à 2018 par Arvalis, avec 2 modalités :
- Modalité 1 : Menues pailles éparpillées
- Modalité 2 : Menues pailles récoltées
Parcelle non labourée en TCS, herbicides d’automne + bineuse en SH, rotation : blé/OH/blé/blé/OP
En 2014, l’infestation initiale était de 28 pieds de ray-grass/m². A la récolte, on comptait 28000 graines/m² tombées au sol pour la modalité 1 contre 10000 graines/m² pour la modalité 2, soit, 65% de graines en moins avec la récolte des menues-pailles.
Le broyage des menues pailles permet aussi de détruire les graines d’adventices, mais ce système nécessite une puissance supplémentaire à prévoir (100 à 120 ch). Cela permet néanmoins de gagner du temps, en évitant les vidanges en bout de champ et le pressage de la menue paille, mais enlève une valorisation possible de ce produit.
Perspectives et limites
Pour les menues pailles exportées, la question de la valorisation de celle-ci se pose : il est possible de s’en servir comme combustible, pour pailler, pour la méthanisation… Mais dans tous les cas, elles doivent être pressées pour être transportées (soit en bout de champ, soit directement dans le caisson selon les matériels.)
La gestion des menues pailles doit être vue comme un complément pour gérer les adventices, car elle ralentit et tempère l’évolution du salissement, mais ne le stoppe pas.
Sommaire

Pour aller plus loin
Protocole d’observation des annuelles
Protocole d’observation des vivaces

La biologie des adventices ciblées par cette pratique
Adventice 1
Adventice 2
…
Références bibliographiques
- AGRIDEA ; 2007. Rumex.
- Arvalis, 2016. Déficit fourrager – Comment réussir le chantier d’ensilage de céréales immatures .
- Bordeau P., 2023. Becs à maïs Kemper Pro : qu’est-ce qui change ?
- Cavers P.B., Harper J.L., 1964. Rumex Obtusifolius L. and R. Crispus L. Journal of Ecology, Vol. 52, n°3 (Nov., 1964), p.737-766.
- Chambre d’agriculture Occitanie, 2023. L’écimeuse pour réduire la production de graines d’adventices.
- Deschamps W., 2020. Une écimeuse pour la gestion mécanique des adventices
- Gayrard M., Ulrych R., Delval P., 2024. Pratiquer l’écimage pour éviter le retour au sol des graines d’adventices matures | Ecophytopic
- Hume L., Cavers P.B., 1983. Ressource allocation and reproductive and life-history strategies in widespread populations of Rumex crispus. Canadian Journal of Botanic, 61, 1276-1282.
- Metais P., Brun D., 2019. Récolter les menues pailles pour réduire le stock semencier, Perspectives Agricoles N°467, p. 49-53.
- Weaver S.E., Cavers P.B., 1979. Dynamics of seed populations of Rumex crispus and Rumex obtusifolius (Polygonaceae) in disturbed and undisturbed soil. Journal of Applied Ecology, Vol.16, n°3 (Dec., 1979), 909-917.