Adventices
Leviers de gestion des adventices
Attenuation - Compétition par les plantes de services
Les plantes de service peuvent être des espèces associées à la culture principale ou des couverts d’interculture, maintenus vivants pendant tout ou partie de la culture ou bien sous forme de résidus (mulch).
Mode d'action
L’intérêt des plantes de service est de limiter la croissance des adventices et d’éviter que celles-ci achèvent leur cycle physiologique, afin de ne pas alimenter le stock semencier des parcelles.
Deux mécanismes peuvent être mobilisés via ce levier d’atténuation :
- Les mécanismes à effet direct, à savoir la compétition en nutriments et en lumière (limitation de la photosynthèse), l’allélopathie et la modification du climat à l’intérieur du couvert.
- Les mécanismes à effet indirect font intervenir des auxiliaires comme les carabes, ou des microorganismes parasites comme le champignon responsable de la fonte des semis.
Adventices cibles
Ce sont particulièrement les adventices annuelles dont l’émergence et le développement sont impactés par la présence d’un couvert végétal temporaire (Buchanan et al., 2016).
Les espèces photosensibles, comme la matricaire ou le chénopode, voient leur germination affectée par la présence d’un couvert. Il s’agit principalement d’espèces à petites graines (Grime et al., 1981), plus photosensibles que les espèces à grosses graines, probablement pour éviter de germer en profondeur et ne pas parvenir à lever (Benvenuti, 1995).
Les espèces adventices nitrophiles ont une forte capacité de prélèvement d’azote en cas de fortes disponibilité, se traduisant par un développement rapide de l’appareil aérien. Elles bénéficient alors d’une interception importante de lumière ainsi qu’une importante capacité d’ombrage sur d’autres plantes moins nitrophiles. Elles sont probablement les adventices les plus problématiques en culture (Fried, 2007).
Performances agronomiques
Effet direct
Certains mélanges d’espèces ont une efficacité plus importante quant à la compétition sur les adventices :
- Les mélanges de graminées et de légumineuses créent une concurrence plus importante qu’un mélange composé uniquement de légumineuses (Corre-Hellou et al., 2011).
- La compétition pour la lumière sur les adventices est la plus efficace pour des plantes de service dont les feuilles sont fines et larges, et ayant la capacité d’adapter leur morphologie si les plantes voisines leur créent de l’ombrage (Moreau et al., 2022).
La présence de résidus organiques en surface limite le réchauffement des horizons très superficiels, retarde l’accès des plantules d’adventices à la lumière, générant un retard de croissance des adventices (Teasdale, 1996). De plus, la présence de résidus végétaux dont les teneurs en azote sont faibles, comme c’est le cas des graminées et céréales non fertilisés, est susceptible de provoquer une faim d’azote. Celle-ci peut alors limiter la croissance des adventices (Delabays et Munier-Jolain, 2004).
Modification du microclimat au sein du couvert
La présence d’un couvert végétal modifie le microclimat en surface : température, rayonnement lumineux et taux d’humidité. Ces facteurs ont une incidence sur la germination des adventices.
Par exemple, la moitié d’entre elles sont photosensibles. Des études ont montré que l’émergence des adventices chutaient en moyenne de 17,1% en présence d’un couvert, de façon hétérogène selon les espèces adventices.

Allélopathie
L’allélopathie est un mécanisme selon lequel des composés chimiques émis par une plante, vivante ou sénescente, peut affecter la croissance d’une autre plante (Inderjit and Duke, 2003).
Certaines cultures intermédiaires auraient des propriétés allélopathiques, comme le sarrasin, le moha et l’avoine rude. Néanmoins, les études scientifiques s’étant penché sur ces propriétés ne peuvent pas affirmer que ces propriétés sont effectives au champ. En effet, ces études sont centrées sur l’activité phytotoxique des extraits bruts des plantes supposées allélopathiques, dans le cadre de tests maximisant les effets de la phytotoxine (Duke, 2015).
La recherche agronomique travaille actuellement sur l’identification des phytotoxines secrétées par les plantes dites allélopathiques (Agroscope, 2018). Elle veille également à tenter de dissocier les effets de la compétition du couvert et de l’allélopathie présumée envers les adventices.
Les couverts d’interculture ayant une forte capacité d’étouffement sont, chez les crucifères : les moutardes blanches et brunes, le radis fourrager, le colza, la navette fourragère et le chou fourrager, chez les légumineuses la vesce commune de printemps, et chez les hydrophyllacées la phacélie (Agro-Transfert, 2016).

Effet indirect
Prédation
La présence d’un couvert végétal, qu’il soit temporaire ou permanent, peut favoriser l’activité de certains auxiliaires comme les carabes en leur fournissant des ressources. Ceux-ci consomment des graines d’adventices, et les déterminants de cette prédation sont actuellement à l’étude (Kulkarni et al., 2015). En fonction du contexte pédoclimatique et des espèces adventices, sur la base de plusieurs études menées aux Etats-Unis et en Europe, le taux annuel de prédation des graines d’adventices par les vertébrés et invertébrés est en moyenne de 40% mais variable de 8 à 70% (Davis et al., 2011).

Encore peu d’études suggèrent que l’intensité de cette prédation suffit à avoir un impact significatif sur le stock semencier et sur l’abondance et la diversité de la flore adventice qui va germer dans la ou les culture(s) suivante(s).
Parasitisme
La présence d’un couvert permet l’augmentation de l’hygrométrie au sein du couvert et la diminution de l’humidité du sol, ainsi que la diminution de la température du sol en période chaude et de l’intensité du rayonnement solaire au sol. Ces conditions favoriseraient l’activité fongique. Certains champignons sont phytopathogènes des semences et des adventices, et seraient alors susceptibles d’entraîner une nécrose racinaire ou foliaire des adventices.

La quantification de ces effets et de ses déterminants est cependant aujourd’hui à l’étude, afin d’analyser dans quelle mesure cette activité fongique favorise la régulation des adventices sans porter atteinte à la culture de rente (Moreau et al., 2022).
Perspectives et limites
La mise en place d’un couvert végétal nécessite un investissement d’importance variable selon la nature des espèces semées et le mode de semis.
Obtenir une couverture végétale exige un minimum de connaissances techniques et de savoir-faire agronomiques.
A retenir
- La compétition pour la lumière et les nutriments des plantes de service sur les adventices est un mécanisme majeur de régulation de celles-ci.
- Le parasitisme et la prédation des graines et des adventices en végétation sont stimulés par la présence de plantes de service ; un travail de quantification de ces effets et de précision de leurs déterminants reste cependant à effectuer par la recherche.
- L’empêchement de la germination des adventices où l’arrêt relatif de leur végétation avant la phase de maturation des graines participent à la décroissance du stock semencier d’adventices du sol, processus effectif en fonction de la valeur des différents TAD des adventices.
Sommaire

Pour aller plus loin
Protocole d’observation des annuelles
Protocole d’observation des vivaces

La biologie des adventices ciblées par cette pratique
Adventice 1
Adventice 2
…
Références bibliographiques
- Agroscope, 2018. Allélopathie.
- Agro-Transfert, 2016. Etouffement des adventices.
- Arvalis, 2016. Les Rendez-vous du désherbage durable : le couvert d’interculture, pour limiter les infestations d’adventices.
- Benvenuti S., 1995. Soil light penetration and dormancy of Jimsonweed (Datura stramonium) seeds. Weed Science, 43 (3), 389-393.
- Buchanan A.L., Kolb L.N., Hooks C.R.R., 2016. Can winter cover crops influence weed density and diversity in a reduced tillage vegetable system? Crop Protection, 90, 9-16.
- Carbonne B., 2020. Le rôle des interactions biotiques dans un système proie-prédateur: le cas de la prédation et de la régulation des graines d’adventices par les carabes. Université Bourgogne Franche-Comté.
- Cordeau S., Guillemin J. P., Reibel C., Chauvel B., 2015. Weed species differ in their ability to emerge in no-till systems that include cover crops. Annals of Applied Biology 166, 444–455.
- Corre-Hellou G., Dibet A., Hauggaard-Nielsen H., Crozat Y., Gooding M., Ambus P., Dahlmann C., Von Fragstein P., Pristeri A., Monti M., Jensen E.S., 2011. The competitive ability of pea-barley intercrops against weeds and the interactions with crop productivity and soil N availability. Field Crops Research, 122 (3), 264-272.
- Davis A. S., Daedlow D., Schutte B. J., Westerman P. R., 2011. Temporal scaling of episodic point estimates of seed predation to long-term predation rates. Methods in Ecology and Evolution 2, 682- 890.
- Delabays N., Munier-Jolain N.M., 2004. Inhibition de la croissance des mauvaises herbes après incorporation au sol de résidus végétaux : allélopathie ou modification du cycle de l’azote ?
- Duke S.O., 2015. Proving allelopathy in crop-weed interactions. Weed Science, 63, 121-132.
- Fried, G., 2007. Variations spatiales et temporelles des communautés adventices des cultures annuelles en France. Thèse de l’université de Bourgogne, Dijon.
- Grime J.P., Mason G., Curtis A.V., Rodman J., Band S.R., Mowforth M.a.G., Neal A.M., Shaw S., 1981. A comparative study of germination characteristics in a local flora. Journal of Ecology, 69 (3), 1017-1059.
- Inderjit, Duke, S. O., 2003. Ecophysiological aspects of allelopathy. Planta 217, 529-539.
- Kulkarni S.S., Dosdall L.M., Willenborg C.J., 2015. The role of ground beetles (Coleoptera: Carabidae) in weed seed consumption: a review. Weed Science 63, 335-376.
- Kunz C., Sturm D.J., Varnholt D., Walker F., Gerhards R., 2016. Allelopathic effects and weed suppressive ability of cover crops. Plant, soil and environment, 62 (2), 60-66.
- Moreau D., Adeux G., Rouge A., Guillemin J.P., Cordeau S., 2022. Mécanismes de régulation biologique des adventices par les couverts végétaux. Revue AE&S 12-1.
- Teasdale J.R., 1996. Contribution of cover crops to weed management in sustainable agricultural systems. Journal of Production Agriculture, 9 (4), 475-479. https://doi.org/ 10.2134/jpa1996.0475.