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Adventices

Leviers de gestion des adventices

Potentiel d'infestation - Non réalimentation du stock semencier

La non-réalimentation du stock vise à éviter que des adventices en développement sur la parcelle ne viennent enrichir le potentiel d’infestation adventice. Celui-ci comprend les graines viables dans l’horizon superficiel ou en surface. Les pratiques peuvent ainsi agir sur la viabilité des graines ou leurs exportations hors la parcelle comme explicté ci-dessous :

Actions sur la viabilité des grainesExportation hors de la parcelle
Ecimeuse non-récupératriceEcimeuse récupératrice
Broyage des menues paillesActions sur l’exportation des menues pailles
Ensilage immature

Ecimage

Mode d'action

L’écimage est le fait de couper les parties aériennes des adventices après floraison et avant grenaison pour limiter l’alimentation du stock semencier et/ou la gène/contamination de la récolte (Cordeau et al., 2025).

Adventices cibles

La pratique de l’écimage est pertinente pour toutes les adventices à port dressé de grandes tailles et à reproduction sexuée, dont les semences sur pied sont situées suffisamment hautes pour être écimées(ex. ambroisie à feuille d’armoise).

La récupération des parties écimées est pertinente pour celles dont les graines sont matures dès l’inflorescence  (Hume et Cavers, 1983) et/ou capables de continuer à produire des graines viables après avoir été sectionnées comme le rumex (Weaver et Cavers, 1980).

Enfin, l’efficacité de la pratique est moins marquée pour les adventices vivaces dont la colonisation s’effectue peu par les graines et davantage par les organes végétatifs.

Modalités techniques

La qualité de l’écimage dépend de la date et de la hauteur du passage pour empêcher les graines d’adventices de réalimenter le stock semencier. Selon l’outil à disposition, le moment d’intervention optimum diffère. 

Dans le cas d’une écimeuse récupératrice, plus l’écimage est proche de la maturité des graines, plus il est efficace.

Dans le cas d’une écimeuse non-récupératrice, l’objectif est d’obtenir le meilleur ratio entre quantité de graines écimées (le plus possible) et quantité de graines viables (le moins possible).

Efficacité

Efficacité sur le vulpin des champs

Nous avons testé l’écimage sur des parcelles ayant des problématiques de salissement en vulpin des champs, en travaillant sur 4 hauteurs d’écimage, 3 dates, sur 3 sites et sur une année.

Cette expérimentation a eu lieu dans le cadre du projet COPRAA, porté par l’INRAE.

hauteru coupe
Hauteur de coupe d'écimage. Source : Cordeau et al. 2025
  • La hauteur H1 correspond à une coupe supérieur à 5 cm au-dessus de la culture.
  • H2 correspond à la hauteur maximale de la culture, soit la hauteur idéale.
  • La hauteur H3 est inférieur à H2 mais n’occasionne pas de contact avec les épis de la culture. La dernière feuille est légèrement coupée.
  • H4 est la hauteur minimum et correspond à la section des épis de vulpin restant sous la culture.

Les trois dates d’écimage sont fin mai, début juin et mi-juin. Les trois sites sont situés dans les départements de la Somme, de l’Eure et en région Bourgogne.

Résultats 1ere année d’expérimentation. Répartition des graines de vulpins selon l'horizon de coupe et la date. Source : Cordeau et al. 2025
Résultats 1ere année d’expérimentation. Répartition des graines de vulpins selon l'horizon de coupe et la date. Source : Cordeau et al. 2025
Résultats 1ère année d’expérimentation. Viabilité des graines de vulpins selon l'horizon de coupe et la date. Source - Cordeau et al. 2025
Résultats 1ère année d’expérimentation. Viabilité des graines de vulpins selon l'horizon de coupe et la date. Source : Cordeau et al. 2025
  • Nous constatons que plus la date d’écimage est tardive, plus la quantité de graines écimées est importante.
  • La meilleure efficacité de l’écimage sans sectionner le haut de la culture est de 70% de graines écimées lors du passage le plus tardif (D3).
  • La viabilité des graines de vulpin est inférieure à 10% au 1er juin en culture de blé. Cette date est optimale pour écimer (D2), avec une efficacité de 60% de graines écimées.
  • Finalement, la date optimale d’écimage est la D2 : même si 10% de graines en moins sont écimées par rapport  D3, la viabilité des graines en D2 est bien plus faible : 10% contre 25 à 30% en D3.
Efficacité sur le chénopode

Ci-dessous, sont présentés les résultats d’écimage en culture de pomme de terre sur deux années 2020 et 2021. Les passages ont été réalisés à deux dates : Early (30/07/20 et 27/07/21) et Late (20/08/20 et 16/08/21), à 10cm au dessus de la hauteur moyenne des pommes de terres et comparées à des zones non écimées (Control).

Nombre de graines viables de chénopode, selon la date d'écimage. Source : Anderson et al., 2023
Nombre de graines viables de chénopode, selon la date d'écimage. Source : Anderson et al., 2023

L’écimage ne doit pas s’effectuer trop tôt sur chénopode, car celui-ci est capable de « redémarrer », c’est-à-dire de continuer son cycle physiologique, voir même de refaire des branches, qui bloqueraient un éventuel second passage. Il faut donc l’écimer au stade fin floraison, si possible en 2 passages avec une écimeuse récupératrice.

Pour plus d’information : Webinaire Chénopode blanc et datura stramoine : des adventices pas toujours simples à maitriser

Il est également possible d’écimer un couvert végétal, comme des crucifères avant leur montée en graine (Chambre d’agriculture Occitanie, 2023).

Perspectives et limites

  • Pour que l’écimage soit efficace, les adventices doivent être suffisamment grandes pour dépasser de la culture.
  • Il faut veiller à ce que la fauche du haut de l’adventice ne favorise pas un « tallage » ou un redémarrage de cette dernière (Gayrard et al., 2024).
  • L’efficacité de l’écimage est rarement totale puisqu’une partie des adventices est susceptible de ne pas dépasser de la culture.
  • L’écimage reste une solution utilisable dans un large panel de cultures. Elle fait partie des solutions « pompiers » permettant de rattraper des situations d’impasses ou d’échec de désherbage par exemple.

Ensilage immature d'une céréale

Mode d'action

Cette technique consiste à ensiler, au stade immature, à la fois la céréale et les adventices s’y trouvant. En évitant ainsi que les graines d’adventices tombent au sol, il en résulte sur le principe un épuisement du stock semencier, permis par la fauche et l’exportation de la flore adventice hors de la parcelle.

Adventices cibles

La répétition des ensilages immatures sur une même parcelle chaque année peut, d’un point de vue biologique, se raisonner en fonction du TAD de la ou des adventice(s) problématique(s). Mais cette pratique, qui est une solution de dernier recours suite à un échec de désherbage, n’est usuellement pas répétée plusieurs années.

  • La plupart des graminées annuelles (sauf folle-avoine, agrostis jouet du vent, et PSD au TAD de 50%) ont un stock semencier dit transitoire, dont le TAD est compris entre 70 et 85%. En l’absence de réalimentation du stock, ces adventices persisteront pendant trois ou quatre ans. Attention : la production grainière est très forte.
  • Les dicotylédones ont un stock semencier moyennement persistant : leur TAD est situé autour de 50%. En l’absence de réalimentation du stock, ces adventices persisteront au moins 6 à 8 ans. Il est donc pertinent de limiter le retour au stock de ces adventices, car une fois présentes, elles seront difficiles à destocker.

Modalités techniques

La réalisation de la technique s’effectue au moyen d’une ensileuse automotrice. Celle-ci peut être équipée de becs maïs rotatifs de type Kemper, permettant une alimentation homogène et continue de l’ensileuse et un hachage régulier de la culture. (Arvalis, 2016).

Les céréales et les adventices étant immatures, il est inutile d’activer l’éclateur de grains. Enfin, la coupe nette de la culture sera permise par un bon affûtage des couteaux. Les graminées ensilées sont capables de repartir en végétation en talant. Il faut donc surveiller jusqu’à la prochaine destruction mécanique ou chimique que ces graminées ne génèrent pas de nouveaux épis. Ce phénomène a davantage de probabilités d’avoir lieu si l’ensilage est réalisé trop tôt ; la date de l’ensilage a donc une importance majeure vis-à-vis de son efficacité.

Efficacité

Efficacité sur les graminées

Nous avons testé cette technique sur une parcelle de la Somme pendant 2 ans, particulièrement infestée par différentes graminées, et dont le potentiel en blé habituel est de 80 qx/ha. Ce potentiel s’est trouvé réduit de plusieurs dizaines de quintaux suite à une forte infestation en graminées.

La technique a donc été mise en place sur cette parcelle afin d’évaluer son effet sur les graminées adventices. Deux cultures se succèdent sur cette durée, un blé d’hiver et une orge d’hiver, espacées par un couvert d’interculture courte. Une partie de la parcelle a été conduite sans réalisation d’ensilage. Une deuxième partie a été ensilée une fois, avant la moisson du blé. Enfin, une troisième partie a été ensilée au même moment avant la moisson du blé, ainsi qu’avant la moisson de l’orge d’hiver.

Ce dispositif est visible sous la forme du schéma suivant.

Expérimentation ensilage. Source : Agro-Transfert
Expérimentation ensilage. Source : Agro-Transfert
Expérimentation ensilage . Source : Agro-Transfert
Résultats agronomiques. Source : Agro-Transfert

Nos résultats d’expérimentation ci-contre permettent de constater l’évolution intéressante des effectifs de graines de graminées dans le sol et de leurs levées, même si le salissement final reste encore trop important.

L’ensilage au stade immature empêche l’alimentation du stock semencier des graminées adventices du sol. La technique de l’ensilage en immature appliquée sur l’étendue de la période de viabilité de germination d’une adventice permet donc de participer à l’épuisement du stock semencier de celle-ci dans le sol.

L’effet de l’ensilage immature répétés sur 2 années n’est donc pas visible sur le nombre de levées de graminées sur la parcelle qui reste conséquent, mais est significatif sur la décroissance de leur stock semencier.

L’ensilage en immature d’adventices aux TAD élevés participe à la réduction du stock semencier. Lorsque l’objectif est tourné davantage vers la non-réalimentation de ce dernier, la technique est pertinente pour des adventices aux TAD faibles.

Performances technico-économiques

Le produit de l’ensilage en immature est dans notre cas, vendu à une unité de méthanisation.

Lors de la deuxième année d’ensilage, la valorisation en méthanisation permet d’obtenir un gain supérieur par rapport à la vente de la culture en grain, car la pression en adventice pénalise grandement le rendement. Ici, la perte est de 30 qx/ha.

Expérimentation résultats économiques ensilage. Source : Agro-Transfert
Résultats économiques. Source : Agro-Transfert

L’ensilage au stade immature permet bien de diminuer le stock grainier d'adventices en exportant celles qui sont en végétation sans leur laisser le temps d’accomplir leur cycle de maturation.

Perspectives et limites

  • Cette technique est coûteuse et nécessite la présence d’une unité de méthanisation à proximité de la parcelle ou d’un élevage.
  • Elle reste une solution « pompier » intéressante, c’est-à-dire qu’elle permet de rattraper un échec de désherbage de la culture qui induit une importante chute de rendement.
  • La mise en place de l’ensilage immature peut donc être opportuniste puisqu’il a lieu lorsque le salissement de la culture est jugé inacceptable par l’agriculteur, mais il peut aussi être prévu : cette technique devient alors un levier à part entière de gestion. Son objectif est alors l’obtention d’une valeur importante de biomasse et l’optimisation de sa valorisation.

Gestion des menues pailles

La menue paille est constituée de petits brins de paille, glumes, glumelles (ou siliques) mais aussi de graines provenant des adventices et du précédent. Selon les cultures et les années, la production varie de 1,5 à 2,5 t/ha (Arvalis). Cette méthode ne présente qu'un intérêt pour les adventices dont les graines ne sont pas tombées au sol lors de la moisson, comme le ray-grass par exemple.

Efficacité

Voici un essai conduit de 2014 à 2018 par Arvalis, avec 2 modalités :

  • Modalité 1 : Menues pailles éparpillées
  • Modalité 2 : Menues pailles récoltées

Parcelle non labourée en TCS, herbicides d’automne + bineuse en SH, rotation : blé/OH/blé/blé/OP

En 2014, l’infestation initiale était de 28 pieds de ray-grass/m². A la récolte, on comptait 28000 graines/m² tombées au sol pour la modalité 1 contre 10000 graines/m² pour la modalité 2, soit, 65% de graines en moins avec la récolte des menues-pailles.

Infestation selon année et récolte menue paille. Source : Métais & Brun, 2019

Le broyage des menues pailles permet aussi de détruire les graines d’adventices, mais ce système nécessite une puissance supplémentaire à prévoir (100 à 120 ch). Cela permet néanmoins de gagner du temps, en évitant les vidanges en bout de champ et le pressage de la menue paille, mais enlève une valorisation possible de ce produit.

Perspectives et limites

Pour les menues pailles exportées, la question de la valorisation de celle-ci se pose : il est possible de s’en servir comme combustible, pour pailler, pour la méthanisation… Mais dans tous les cas, elles doivent être pressées pour être transportées (soit en bout de champ, soit directement dans le caisson selon les matériels.)

La gestion des menues pailles doit être vue comme un complément pour gérer les adventices, car elle ralentit et tempère l’évolution du salissement, mais ne le stoppe pas.

Références bibliographiques

  • AGRIDEA ; 2007. Rumex.
  • Anderson L., White S. N., McKenzie-Gopsill A., 2023. Evaluation of croptopping strategies to reduce common lambsquarters (Chenopodium album) seed production in potato production systems. Weed Technol. 37: 323–335. doi: 10.1017/wet.2023.61
  • Arvalis, 2016. Déficit fourrager – Comment réussir le chantier d’ensilage de céréales immatures .
  • Bordeau P., 2023. Becs à maïs Kemper Pro : qu’est-ce qui change ?
  • Cavers P.B., Harper J.L., 1964. Rumex Obtusifolius L. and R. Crispus L. Journal of Ecology, Vol. 52, n°3 (Nov., 1964), p.737-766.
  • Chambre d’agriculture Occitanie, 2023. L’écimeuse pour réduire la production de graines d’adventices.
  • Cordeau S., Boquet B., Chamoy P., Matejicek A., Mosa B., Omon B., Deytieux V., 2025. Effet de l’écimage des adventices sur leurs nuisibilités. Innovations Agronomiques, 2025, 101, pp.85-93.
    10.17180/ciag-2025-vol101-art08. hal-05031215
  • Deschamps W., 2020. Une écimeuse pour la gestion mécanique des adventices
  • Gayrard M., Ulrych R., Delval P., 2024. Pratiquer l’écimage pour éviter le retour au sol des graines d’adventices matures | Ecophytopic
  • Hume L., Cavers P.B., 1983. Ressource allocation and reproductive and life-history strategies in widespread populations of Rumex crispus. Canadian Journal of Botanic, 61, 1276-1282.
  • Metais P., Brun D., 2019.  Récolter les menues pailles pour réduire le stock semencier, Perspectives Agricoles N°467, p. 49-53.
  • Weaver S.E., Cavers P.B., 1979. Dynamics of seed populations of Rumex crispus and Rumex obtusifolius (Polygonaceae) in disturbed and undisturbed soil. Journal of Applied Ecology, Vol.16, n°3 (Dec., 1979), 909-917.