Gestion de l’azote

L’azote joue un rôle déterminant sur le rendement des cultures et sur la qualité des productions. Les plantes puisent cet élément dans le sol sous forme minérale ou dans l’air pour le cas des légumineuses.

En Agriculture Biologique, l’enjeu est d’utiliser au mieux les processus naturels pour apporter de l’azote aux cultures : fixation de l’azote de l’air par les légumineuses, piégeage de l’azote en interculture par les couverts végétaux… Cet enjeu est prégnant dans les systèmes de grandes cultures bio sans élevage, où les possibilités d’apporter des produits organiques sont limitées. La connaissance du cycle de l’azote est ainsi essentielle pour identifier les leviers pour introduire de l’azote dans les parcelles et en limiter les pertes.

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Des exemples de pratiques

Produire du blé meunier en l'associant à un protéagineux

Produire du blé meunier en l'associant avec un protéagineux

Pourquoi cette pratique ?

Produire du blé qui puisse être valorisé en qualité meunière est un enjeu fort pour les producteurs biologiques. Habituellement, cet objectif est atteint soit en plaçant le blé derrière une légumineuse (luzerne ou protéagineux), soit en apportant des engrais organiques sur le blé.

Une piste de réflexion est aujourd’hui ouverte sur la production de blé avec des taux de protéines élevés en associant le blé avec un protéagineux. Cet effet s’explique par la diminution de la part de céréales présente sur la parcelle, et donc par une augmentation de l’azote du sol disponible pour chaque pied de céréale, le protéagineux n’utilisant que l’azote de l’air.

Emmanuel Decayeux teste cette pratique depuis 2015.

 

Les points à retenir :

  • S’assurer d’une disponibilité en azote suffisante pour le blé : reliquat élevé ou fertilisation azotée (30 u N/ha)
  • Semer le blé à plus de 80 % de la dose habituelle
  • Limiter la densité de protéagineux pour éviter qu’il ne concurrence le blé
  • Il est possible de réduire le nombre de passages de désherbage mécanique, à condition qu’un faible écartement de semis ait été choisi.

 

Mise en œuvre chez l’agriculteur

Principes

L’agriculteur a commencé par la pratique des associations à visée de production de protéagineux. Étant sur des sols majoritairement crayeux, l’objectif sous-jacent est de maîtriser les adventices avec un minimum d’intervention mécanique.

Il a ensuite généralisé la pratique sur céréales, avec l’objectif de produire de la céréale et de couvrir le sol par le protéagineux. Une première expérience ayant montré que cette pratique permet également d’obtenir un blé avec un taux élevé de protéines, cet objectif s’est rajouté à celui de maîtriser les adventices dans la céréale.

Compte-tenu de l’objectif, le blé est semé à 90 % de la densité de semis habituelle. Une petite quantité de pois est ensuite rajoutée (25 % de la densité semée en pur) pour couvrir le sol. Après un premier tri, le pois est valorisé sur l’atelier élevage.

 

Résultats observés

L’objectif de maîtriser les adventices tout en réduisant le nombre d’interventions mécaniques est atteint. La pression adventices sur les parcelles est maintenue à un niveau faible, et les rendements obtenus sont cohérents avec les potentialités pédoclimatiques de la parcelle (27 q de blé et 1,4 q de pois en 2016).

Toutefois, compte-tenu du faible développement du pois dans l’association de cultures (contexte climatique difficile pour les protéagineux d’hiver sur l’année 2016), le blé a occupé la place du pois et l’augmentation attendue du taux de protéines du blé n’a donc pas été observée : le taux de protéines était à 11,5 au lieu de 11,2 en moyenne sur le blé cultivé pur. De meilleurs résultats peuvent être attendus avec un protéagineux se développant plus, car le développement du blé est limité en présence d’un protéagineux bien développé. Le protéagineux n’utilisant pas d’azote pour se développer, l’azote présent dans le sol se concentre dans le blé associé, ce qui permet d’augmenter le taux de protéines par rapport à un blé cultivé pur. De plus le reliquat d’azote en sortie hiver était faible sur cette parcelle (40 u N/ha).

 

Suivi de la pratique

Contexte

  • Printemps 2016  : doux et humide
  • Sol : craie
  • Reliquat sortie hiver : 40 kgN/ha
  • Pression adventices : coquelicots à 62 pieds/m2

 

Itinéraire technique

Itinéraire technique de l'association Blé - Pois

Résultats obtenus

  • Diminution de la pression adventices: la pression adventices, initialement faible, a été maintenue.
  • Rendements : 27 q/ha de blé à 11,5 de protéines et 1,4 q/ha de pois

 

Le retour de l’agriculteur

Les objectifs sur blé n’ont pas été atteints sur 2016 du fait du contexte climatique défavorable pour le pois et du faible reliquat sortie hiver. L’expérience est à renouveler avant de conclure sur cette pratique.

 

Autres expériences sur le sujet

  • La chambre régionale d’agriculture des Pays-de-Loire conduit depuis 3 ans des essais avec associations blé + protéagineux, avec une augmentation du taux de protéines sur blé allant de +0,2 à 2,3% (0,8% en moyenne). Cela s’accompagne toutefois d’une baisse de rendement sur blé, de -7,4 q en moyenne.
Apporter de l'azote par un couvert de trèfle blanc d'interculture

Apporter de l'azote par un couvert de trèfle blanc en interculture

Pourquoi cette pratique ?

Le trèfle blanc permet de valoriser la période d’interculture pour introduire de l’azote dans la rotation. La minéralisation des résidus du trèfle blanc permet en effet d’apporter des quantités importantes d’azote : 20 kg d’azote par tonne de matière sèche produite. Cette espèce est donc souvent implantée chez les agriculteurs biologiques de la région pour réintroduire de l’azote au besoin dans la rotation.

 

Mise en œuvre chez les agriculteurs

Principes

Le trèfle blanc est une espèce de couvert qui demande un temps de développement important. Pour assurer son développement et son rôle d’ « engrais vert », le trèfle blanc est implanté le plus souvent sous couvert de céréale au printemps, plus rarement en fin d’été (associé au colza), toujours en vue d’une interculture longue avec une destruction au plus tôt en 2ème partie d’hiver (risque de minéralisation trop précoce dans le cas contraire).

Les points à retenir :

  • Le trèfle blanc a besoin de temps pour se développer : le semer sous couvert ou sur une interculture longue
  • Il apporte en moyenne 20 kg d’N/ha par tonne de matière sèche pour la culture suivante
  • Le trèfle blanc relargue de l’azote sur 18 mois. Attention à l’interculture qui suit sa destruction !

Pour en savoir plus, voir la fiche « Gestion de l’azote en interculture par des couverts de légumineuses » (projet Agri-Bio)

Résultats observésVue d'un couvert de trefle blanc nain

Si l’impact du trèfle blanc sur la disponibilité en azote pour la culture qui la suit est généralement connu et recherché (reliquat sortie hiver de 141 kg d’N/ha en moyenne sur 4 parcelles suivies), les mesures de reliquat faite dans le cadre du projet Agri-Bio ont mis en avant un impact de ce couvert sur plus de douze mois (115 kg d’N/ha encore disponible après récolte de la culture suivant le trèfle blanc en moyenne sur 2 parcelles suivies), avec des risques de pertes importantes en interculture lorsque ce relargage d’azote se prolongeant dans le temps n’est pas pris en compte dans les pratiques.

 

Suivi de la pratique

Contexte

Chez Jean-Luc Ortegat, semis sous-couvert en interculture longue

  • Sol : limons battants
  • Rotation : Luzerne – Grand épeautre – Petit épeautre – (Trèfle blanc semé sous couvert) – Avoine de printemps – Orge de printemps

 

Itinéraire technique

Itinéraite technique du semis de trefle sous cereale

Résultats obtenus

  • Biomasse produite : +/- 2 T de matière sèche /ha de trèfle blanc
  • Reliquat sortie hiver : 40 unités d’N/ha de plus par rapport à une bande déchaumée 3 fois de la même parcelle
  • Impact sur la culture suivante (avoine de printemps): 15 q/ha de plus sur l’avoine de printemps par rapport à la bande déchaumée
  • Impact l’interculture suivante : 20 unités d’N/ha de plus sur la bande avec trèfle par rapport à la bande déchaumée après l’avoine
  • Surveiller l’interculture suivant l’implantation du trèfle blanc.

Effet du couvert de trefle blanc par rapport à un sol nu

Quel impact du broyage du trèfle sur le développement du chardon ?

La comparaison entre bande déchaumée et bandes avec du trèfle broyé 1 fois ou 3 fois a montré une augmentation plus forte de la taille des ronds ainsi que des densités moyennes de chardons dans la partie avec trèfle par rapport à la partie déchaumée trois fois.

L’essai mené dans le contexte de l’année culturale 2014-2015 a montré un intérêt plus fort des déchaumages répétés trois fois par rapport au broyage du trèfle pour la maîtrise du chardon.

 

Autres expériences sur le sujet

  • Essais réalisés en région Hauts-de-France montrant un gain de rendement sur le maïs en moyenne supérieure après un couvert de trèfle blanc (84 q/ha en moyenne) par rapport à un apport de fertilisant au printemps (68 q/ha en moyenne pour 60 unités d’azote apportées)
Mieux valoriser l'azote de la luzerne en implantant une culture exigeante en azote juste après son retournement

Implanter une culture exigeante en azote après luzerne pour mieux valoriser l'azote libéré

Pourquoi cette pratique ?

La luzerne libère une centaine de kilos d’azote après son retournement. Elle est habituellement suivie d’un blé tendre pour obtenir une qualité meunière sur celui-ci. Cependant, le blé absorbe l’azote plutôt au printemps et ne valorise donc pas au mieux l’azote libéré dès l’automne par la destruction de la luzerne. De plus, cela engendre des risques de pertes d’azote par lixiviation lors de la période de drainage.

Richard Vilbert a choisi d’implanter du colza, une culture exigeante en azote, pour mieux valoriser les restitutions d’azote par la luzerne.

 

Mise en œuvre

Principes

Les raisons de ce choix :

Il s’agit d’une culture valorisant très bien l’azote en fin d’été et à l’automne. Le colza permet donc d’éviter les pertes d’azote qui peuvent être observées lors d’un retournement de luzerne suivi d’une céréale d’hiver, répondant ainsi aux préoccupations environnementales de l’agriculteur.

Il s’agit d’une culture bien valorisée économiquement, ce qui permet à l’agriculteur d’augmenter sa marge à l’échelle de la rotation.

L’objectif est donc de favoriser l’implantation du colza, période clé pour assurer la réussite de la culture. Pour cela, il détruit sa luzerne tôt (mi-juillet) et implante le colza au plus tôt après gestion des repousses (fin août) pour qu’il soit assez développé afin de résister aux attaques de ravageurs.

 

Les points à retenir :

  • Choisir une culture dont la période d’absorption d’azote concorde avec la période de libération d’azote par la luzerne.
  • Raisonner la date de destruction de la luzerne en fonction des objectifs d’implantation de la culture suivante.

 

Résultats obtenusColza apres luzerne (2016)

Cette pratique a été mise en œuvre sur deux années, sur deux parcelles différentes. Les résultats obtenus sont très positifs : très bon développement du colza en entrée hiver, entraînant une bonne résistance aux attaques de ravageurs et un très bon rendement ; faible salissement. L’agriculteur souhaite répéter cette pratique à l’avenir, derrière luzerne ou trèfle violet.

 

Présentation du suivi mis en œuvre en 2015

Contexte

  • Année 2015 
  • Sol : limons profonds
  • Précédent (2013-2014) : luzerne implantée sur deux ans, broyée 3 fois par an et restituée au sol
  • Mélange : luzerne (20 kg) + fétuque élevée (1kg) + fétuque des prés (1 kg) + dactyle (1 kg) + lotier (1 kg)/ part importante de graminées à la récolte
  • Rotation type : luzerne (2 ans) – colza – triticale – carotte – chou- féverole + céréale – triticale ou blé

 

Itinéraire technique

Itinéraire technique du colza après luzerne

Faits marquants sur le colza :

  • Présence de vulpin, étouffé par le colza
  • Vols d’altises autour du 1er octobre : 100 % des pieds avec morsures, mais peu d’impact car le colza est bien développé
  • 8 % des pieds avec pucerons
  • Peu de méligèthes à floraison
 

Résultats obtenus

  • Absorption d’azote par le colza : 98 kg N/ha absorbé par le colza pendant l’hiver, calculée à partir d’une pesée de biomasse.
  • Reliquat d’azote mesuré sortie hiver : 77 kg N/ha
  • Soit 175 kg N/ha disponibles pendant l’hiver après destruction de la luzerne.
  • Rendement : 35 q/ha bruts. Valorisation : deux tris puis pressage à la ferme pour une valorisation en huile alimentaire.

 

Comparaison des reliquats d’azote entre une situation « classique » (destruction de la luzerne puis implantation de céréale) et une situation avec implantation de colza derrière luzerne.

Résultats du projet ENBIO : reliquats d’azote mesurés, quantités d’azote lixivié et quantités d’azote absorbé par les cultures obtenus par simulation (modèle LIXIM).

Résultats du projet ENBIO sur les flux d'azote après luzerne - comparaison de cas

 

Si cette comparaison résulte de suivis ponctuels sur deux parcelles, elle met cependant en avant une meilleure valorisation de l’azote libéré par la luzerne dans le colza par rapport aux céréales. De plus, elle souligne la nécessité de raisonner la gestion de l’azote derrière luzerne sur deux intercultures.

 

L’avis de l’agriculteur

Les résultats obtenus collent aux objectifs fixés : mieux valoriser l’azote libéré par la luzerne et avoir une culture rémunératrice dans la rotation.

 

Autres expériences sur le sujet

Certains agriculteurs du réseau ont eu le même raisonnement et ont choisi d’implanter derrière luzerne une culture plus exigeante en azote qu’une céréale d’hiver. Mathieu Lancry a ainsi testé la destruction de la luzerne au printemps, suivie d’une betterave rouge. Les résultats obtenus ne sont pour l’instant pas concluants : l’hypothèse faite est que l’azote libéré par la luzerne a été disponible tardivement par rapport aux besoins de la betterave rouge.

Détruire la luzerne au printemps pour mieux valoriser l'azote libéré

Detruire la luzerne au printemps pour mieux valoriser l'azote liberePourquoi cette pratique ?

La luzerne libère une centaine de kilos d’azote lors de son retournement. Elle est habituellement suivie d’un blé tendre pour obtenir une qualité meunière sur celle-ci. Cependant, cette culture absorbe l’azote plutôt au printemps et ne valorise pas au mieux l’azote libéré par la destruction de la luzerne dès l’automne. De plus, cela engendre des risques de pertes d’azote par lixiviation pendant la période de drainage.

L’une des pistes explorées par les agriculteurs du projet Agri-Bio pour mieux valoriser l’azote libéré par la luzerne et minimiser les risques de pertes a été de décaler le retournement de la luzerne au printemps.

 

Mise en œuvre chez les agriculteurs du réseau

Principes

La luzerne est labourée en sortie hiver (mois de février). Une culture de printemps est ensuite implantée (orge de printemps, blé de printemps, betterave rouge).

Les points à retenir :

  • Ne pas détruire la luzerne trop tardivement pour laisser assez de temps aux résidus pour se minéraliser.
  • Choisir une culture mobilisant l’azote tard au printemps, comme le maïs
  • Implanter si possible des couverts (hors légumineuses ou légumineuses en association) sur les deux intercultures qui suivent la destruction de la luzerne pour recycler l’azote libéré par les résidus de luzerne

 

Résultats observés

Les suivis effectués montrent un évitement du risque de pertes d’azote à l’interculture de l’année N lorsque la luzerne est détruite au printemps. Cependant, compte-tenu de la courbe de minéralisation de l’azote issue de la luzerne (minéralisation sur 20 mois), il est probable que cette pratique ne fait que décaler le risque sur les intercultures des années N+1 et N+2. La vigilance sur les intercultures suivant la destruction la luzerne au printemps est donc à maintenir.

(Pour plus d’infos : voir la fiche apporter de l’azote dans la rotation grâce à la luzerne, Projet Agri-Bio)

Par ailleurs, il y a encore peu de recul sur cette pratique mais les résultats obtenus sur les cultures suivant la destruction de la luzerne sont mitigés. Si dans certaines situations la libération de l’azote se fait au bon moment pour combler les besoins de la culture semée au printemps, dans d’autres situations l’azote disponible dans les résidus de luzerne semble s’être minéralisé tardivement et n’a donc pu être utilisé par la culture implantée. Il s’agit donc de bien raisonner la date de destruction de la luzerne en fonction de la culture qui va être implantée et la période où elle va mobiliser l’azote.

 

Suivi de la pratique

Contexte

 Sol : limons profonds

 

Itinéraire technique

itinéraire culture de la detsruction de luzerne au printemps

 

Résultats obtenus

Flux d'azote après destruction de la luzerne au printemps - résultats ENBIO

Dans cette situation, le suivi montre de fortes quantités disponibles dès le printemps (plus de 120 kg d’N/ha en avril) et donc mobilisables par le blé semé. La libération d’azote par les résidus de luzerne se poursuit en cours de culture, avec pour conséquence des quantités très importantes d’azote disponibles après récolte (180 kg d’N/ha en septembre).

De plus, l’azote commence à migrer en profondeur, engendrant un risque de perte d’azote par lixiviation important, et ce d’autant plus que le blé implanté à l’automne 2016 ne peut absorber que de faibles quantités d’azote (15-20 kg/ha).

Le reliquat d’azote en sortie hiver reste élevé (180 kg d’N/ha disponible en février) et va pouvoir bénéficier au blé d’hiver.

Malgré le décalage de la destruction au printemps, la question de la limitation des pertes après destruction de luzerne reste donc entièrement posée. L’implantation d’une céréale d’hiver en deuxième année ne permet pas de valoriser les quantités importantes d’azote encore disponibles en deuxième année. Le piégeage de l’azote à l’automne avec un colza ou un couvert reste pertinent.

 

Autres expériences sur le sujet

Le suivi réalisé sur une autre parcelle du réseau Agri-Bio confirme les tendances observées ci-dessus sur la libération de l’azote après destruction au printemps et sur la forte disponibilité de l’azote en entrée hiver.

Par ailleurs, quelques agriculteurs ayant testé une implantation de betterave rouge derrière luzerne ont témoigné d’un rendement obtenu moindre sur betterave rouge, qu’ils mettent en relation avec une disponibilité tardive de l’azote libéré par les résidus de luzerne. Ces résultats sont toutefois à considérer avec précautions compte tenu du peu de recul sur cette pratique.

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