Gestion de la fertilité du sol

Nous avons peu de recul sur l'évolution de la fertilité des rotations biologiques comportant des légumes de plein champ. Pourtant ces culture présentent des caractéristiques qui risquent de dégrader cette fertilité :

  • Ces cultures ont des besoins élevés en phosphore et en potassium, et ces éléments sont en grande parties exportés de la parcelle au moment de la récolte. Nous avons donc essayé ici de faire le point sur l'évolution potentielle des stock de P et de K dans les exploitations enquêtées.
  • les légumes cultivés dans les Hauts-de-France sont en grande partie des légumes racines (carotte, pomme de terre, betterave rouge, oignon, etc.), qui restituent très peu de carbone au sol. Est-ce que la fréquence de ces culture n'altèrent pas le stock de carbone du sol ?

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Fiche "Réfléchir à des systèmes légumiers biologiques et durables : Gérer la fertilité du sol"

La fertilité en potassium (K) et en phosphore (P)
L'entretien de la matière organique / du carbone du sol

Le phosphore et le potassium sont des éléments peu mobiles dans le sol, qui ne risquent donc pas d’être perdus dans l’air ou dans l’eau. Toutefois les Légumes de Plein Champ (LPC) ont des besoins élevés et ces éléments sont exportés lors de la récolte. Il est donc nécessaire de rester vigilant à la disponibilité de ces éléments dans les parcelles.

Exportations P et K moyens des cultures de srotations enquetees

Les besoins des légumes en phosphore et potassium sont importants et la luzerne exporte beaucoup de phosphore. Des déficits peuvent donc apparaitre au bout de plusieurs années (10 à 15 ans). Pourtant, peu d'agriculteurs biologiques réalisent des bilans P-K pour ajuster leur fertilisation en phosphore et potassium.

 

Résultats de l'enquête

Le graphique ci-dessous présente la balance moyenne entre apports (engrais) et exportations (récolte) de phosphore et de potasse de la rotation, en kg/ha/an. Cette balance ne prend pas en compte le stock initial en P et en K du sol.

Bilans P et K des 7 exploitations LPC enquetees

Sur les 7 exploitations enquêtés, les risques de déficit de phosphore ou de potassium sont finalement très faibles. Concernant le phosphore, la plupart des systèmes sont tout juste à l’équilibre, voire en déficit, ce qui peut entrainer à long terme des carences pour les légumes, notamment dans les systèmes avec luzerne si cette dernière est exportée.

En ce qui concerne la potasse, les situations observées sont très variables, avec deux exploitations à l’équilibre, deux exploitations en léger déficit et trois exploitations en fort surplus. Les apports réguliers de vinasse, apportée pour assurer l'alimentation azotée des cultures au printemps, peut créer à long terme un excédent de potassium dans le sol.

 

Exemples : Gestion du P et du K dans 2 rotations

Exploitation 4 : Apports importants de fumier (exploitation avec élevage), LPC 3ans/7

Bilan P et K dans l'exploitation 4

Les apports diversifiés de vinasse, fientes de poules et fumier bovin composté compensent largement les exportations des cultures : un surplus important de phosphore et de potassium est constaté à l’échelle de la rotation. Ces excès peuvent provoquer un déséquilibre chimique du sol, et donc une mauvaise nutrition des cultures légumières. L’excès de potasse peut limiter la résistance des légumes aux stress biotiques et abiotiques, tandis que l’excès de phosphore peut entrainer une pollution du sol et de l’eau.

 

Exploitation 5 : Apports d’engrais du commerce sous des formes différentes, luzerne de 3 ans, LPC 3 ans/11

Bilans P et K dans l'exploitation 5

Les apports réguliers de vinasse permettent de compenser les exportations importantes de la luzerne, de la betterave rouge et de la pomme de terre. Les bilans P et K sont relativement à l’équilibre. Ces résultats concordent avec le raisonnement de la stratégie de fumure du producteur, qui raisonne autant les apports de phosphore et de potasse que ceux d’azote dans ses parcelles.

 

En conclusion

Les principaux leviers pour gérer la fertilité en potassium et phosphore des parcelles sont :

  • La réalisation régulière d’analyses de sol et de bilans d’exportations des cultures
  • Des apports par les engrais et amendements organiques (selon la composition de ces engrais)
  • L’intégration de plantes et couverts d’interculture à grandes capacités d’exploration racinaire qui vont capter le P et le K en profondeur et le remobiliser

Pour obtenir des balances équilibrées, le phosphore et le potassium sont à raisonner au même titre que l’azote.

Une vigilance particulière devra être apportée à l’intégration de luzerne et de légumes dans la rotation, car ce sont des cultures fortement exportatrices

 

Le cycle du Carbone dans le sol

Le carbone organique (C org) du sol est contenu dans la matière organique. 1 kg C org = 1.72 à 2 kg de matière organique.

Devenir du carbone du sol

 Le diagramme ci-dessus reprend le bilan des entrées et des sorties de carbone organique dans le sol.

Les principales entrées sont :

  • Les résidus des cultures (parties aériennes et racinaires)
  • L’enfouissement des cultures intermédiaires
  • Les produits organiques

Le carbone va par la suite soit :

  • être humifié (C stable)
  • être transformé en matière organique minéralisable, dont une partie va être transformée en CO2. NB : Le coefficient K1 reflète la part de carbone qui sera intégrée à la matière organique du sol.

Le stock de carbone représente la masse de carbone dans le sol et traduit la fertilité chimique long terme du sol : capacité d’humification/minéralisation, fourniture d’azote, échanges ions, disponibilité en éléments minéraux assimilable par les plantes. L’évolution du stock de carbone du sol dépend :

  • De la vitesse de minéralisation conditionnée par la structure du sol, la teneur en CaCO3, la teneur en argile, le pH, le C/N et le climat.
  • Des pratiques agricoles : fréquence des apports organiques et leur composition, restitution de biomasse par les cultures…
  • Du stock initial : estimé à partir de teneur en Corg (Matière organique) et de la densité apparente

L’objectif de l'outil SIMEOS-AMG est de simuler l’évolution de ce stock dans le temps en fonction des entrées et des sorties de carbone pour chaque culture de la rotation.

 

Teneur en Carbone

La teneur en carbone correspond à la concentration en carbone par horizon.  La fertilité physique relève plutôt de la teneur (concentration de carbone), qui va jouer sur la stabilité structurale : portance, battance, tassement, capacité de rétention de l’eau, ressuyage.

Le labour ne diminue pas le stock de carbone du sol, il répartit le carbone sur l’horizon de travail au lieu de le concentrer en surface.

 

Résultats de l'enquête

Evolution des tsock de C du sol des rotations évaluées

Sur les 7 parcelles évaluées, 5 sont en déstockage de carbone.

Ces résultats sont à prendre avec recul. Ils dépendent :

  • de facteurs sur lesquels l’agriculteur n’a pas la main comme la nature de son sol ;
  • de la part de cultures racinaires dans la rotation ;
  • des pratiques de l’agriculteur (apports d'engrais organiques, couverts d'interculture, restitution des résidus, etc.).

 

Exemple de 2 systèmes

Exploitation 1 : Fort déstockage de carbone (-12 t de C org ha en 30 ans) due à la forte minéralisation liée à la nature du sol, non compensée par les apports de biomasse.

Flux ce carbone dans la rotation de l'exploitation 1

Chez cet exploitant, la parcelle étudiée est de nature limono-sableuse, avec un historique de terres de marais fortement chargées en matières organiques. De ce fait, le stock de matière organique initial est très important, ainsi que la minéralisation du sol. Bien que l’exploitant restitue les pailles, l’absence d’engrais à forte teneur en carbone et la forte minéralisation du sol entrainent un déstockage important de carbone dans la parcelle.

Ici, c’est avant tout la nature du sol et la forte teneur en carbone qui favorisent le déstockage du carbone du sol. Afin de compenser le déficit de C annuel (environ 1,5 t C org/ha/an), un apport moyen annuel d’environ 1,8 t de compost de déchets verts (K1=0,82) pourrait compenser la minéralisation du sol.

Exploitation 6 :  Stock à l'équilibre (+2 t C org/ha en 30 ans) due à une faible minéralisation liée à la nature du sol, ainsi que de nombreux apports organiques

Flux de carbone dans la rotation de l'exploitation 6

Chez cet exploitant, la parcelle est constituée de limons argileux à teneur en carbone moyenne, qui minéralisent moins que chez le premier exploitant : (1 t C org minéralisée par ha et par an contre 2,25 t chez le premier exploitant). Par ailleurs, la restitution de la luzerne au sol, ainsi que l’apport d’amendements organiques à fort C/N (fumier bovin) permet de compenser la minéralisation du sol.

 

Les leviers de gestion pour entretenir le stock de carbone du sol

Connaitre son sol et sa dynamique de minéralisation est une première étape indispensable pour fixer ses objectifs d'entretien du stock de carbone organique. L'entretien du stock de carbone consiste à restituer du carbone au sol, via les engrais organiques, les résidus de cultures et les couverts.

Ma restitution de carbone via les résidus de culture : La part de carbone restituée au sol augmente avec l'introduction dans la rotation de cultures à forte restitution de carbone, comme le maïs et la luzerne. La restitution des pailles est également significative, mais en moins mesure.

Les engrais organiques: les engrais organiques au ratio carbone/azote (C/N) élevés apportent de plus grandes quantité de C au sol. Attention toutefois à la faim d’azote qui peut en découler pour la culture suivante !

Les couverts d'interculture : La capacité du couvert à entretenir le stock de matière organique du sol est directement corrélée à leur biomasse, mais aussi et à leur C/N : plus le ratio C/N est faible, plus le carbone contenu dans les résidus sera assimilé dans l'humus stable du sol. Cela justifie l'implantation de légumineuses en interculture, dont les C/N sont plus faibles que les graminées. Pour en savoir plus sur les couvert, voir les résultats du projet "Multifonctionalité des couverts d'interculture".

 

En conclusion

L’entretien du stock de carbone est déterminant pour la fertilité à long terme du sol. Or les exploitations enquêtées dans le cadre de VivLéBio peuvent inquiéter, étant donné le déstockage de carbone présenté. La fréquence élevée de cultures racinaires, qui restituent peu de carbone au sol, explique en partie le déstockage de carbone estimé.

Les principaux leviers de gestion à mobiliser pour limiter ce déstockage sont l’utilisation d’engrais organiques à fort C/N, l’implantation de couverts d’interculture et l’introduction de cultures à forte restitution (maïs, luzerne).

En savoir plus  : Consulter les extraits du guide SIMEOS "Gérer l'état organique des sols dans les exploitations agricoles"