Maitrise des bioagresseurs

Les leviers de gestion des bioagresseurs en agriculture biologique n'ont qu'une efficacité partielle. La maitrise des bioagresseurs se base donc sur la combinaison de plusieurs leviers aux modes d'actions différents et  à l'échelle de la rotation, dans le but de créer des conditions plus favorables aux cultures qu'aux adventices, aux ravageurs ou aux maladies.

La combinaisons de différents leviers permet également de compenser l'impact négatif qu'ont certains d'entre eux sur le sol ou sur la rentabilité économique de la rotation.

bineuse carottes

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Fiche "Réfléchir à des systèmes légumiers biologiques et durables : Maîtriser les bioagresseurs"

Les bioagresseurs telluriques
Les adventices annuelles
Les adventices vivaces

Que sont les bioagresseurs telluriques ?

  • Ennemis des cultures évoluant dans le sol, contrairement aux bioagresseurs aériens
  • Un cycle de vie relativement long pour la plupart des bioagresseurs (4 à 6 ans en moyenne, jusqu’à 10 ans pour le sclérotinia)
  • Appétence pour un grand nombre de cultures légumières et légumineuses

Dans le cadre de l’évaluation menée sur le projet VivléBio, 5 bioagresseurs en particulier ont été étudiés, car mis en avant par les conseillers techniques comme les 5 bioagresseurs telluriques les plus problématiques en région sur les légumes de plein champ. Les bioagresseurs aériens ont été écartés de l’étude car leurs attaques sont davantage ponctuelles et en moyennes plus faciles à gérer par les producteurs.

Photos des 5 bioagresseurs telluriques étudiés

Résultats de l'enquête

Une inquiétude légitime pour les producteurs

  • Dégâts potentiels importants
    • Ex: 40% de pertes sur endives à cause de Sclérotinia
    • Ex: 80% de pertes dues au taupin sur maïs
  • Sentiment des producteurs d’être désarmés
    • Méconnaissance du cycle de vie de ces bioagresseurs
    • Longue persistance dans le sol
    • Peu de leviers techniques efficaces autres que la rotation

Evaluation de la sensibilité des rotations

La rotation étant le principal moyen de gestion des bioagresseurs telluriques, une caractérisation de la sensibilité des cultures et intercultures a été réalisée durant le projet à partir d’une synthèse bibliographique. Le tableau ci-dessous spécifie donc la sensibilité moyenne théorique des cultures présentes chez les producteurs enquêtés aux cinq bioagresseurs étudiés.

Sensibilité des cultures aux bioagresseurs telluriques

Une note de sensibilité a été attribuée pour la rotation de chaque producteur enquêté. Cette note de sensibilité de la rotation se traduit en fonction du pourcentage de cultures dites à risque pour la rotation ; ces cultures dites à risque incluent les cultures sensibles et très sensibles. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous :Evaluation de la sensibilité des 7 rotations enquetes aux ioagresseurs telluriques

  • On constate que la plupart des rotations sont très sensibles aux taupins, ce qui s’explique par la présence de nombreux légumes racines et de céréales dans la rotation.
  • Les rotations s’avèrent également en théorie très sensibles au sclérotinia, par la présence de légumes racines chez tous les producteurs. Cette sensibilité est accrue chez les producteurs ayant une grande proportion de légumineuses dans la rotation.
  • Concernant Aphanomyces, les rotations sont relativement épargnées de part leur faible présence de légumineuses.
  • A l’instar du taupin, les rotations comprennent un grand nombre de légumes racines hôtes du rhizoctone brun, ce qui explique le danger potentiel pour les exploitants enquêtés.
  • Enfin, quant à la gale, les rotations présentent globalement une sensibilité moyenne, cette dernière touchant principalement la pomme de terre et partiellement la betterave rouge.

Résultats à contrebalancer avec les retours des producteurs…

Suite à la restitution des résultats aux producteurs, ces derniers ont commenté le tableau avec leurs observations.

Retours des agris sur leur perception des déga^ts dus auxbioagresseurs telluriques

En moyenne, bien que les rotations soient considérées sensibles, les agriculteurs n’observent pas de dégâts importants dans leurs champs. En dehors d’Aphanomyces, les producteurs ont tous subi au moins une fois l’attaque des bioagresseurs présentés, confirmant la sensibilité théorique des rotations.

  • Le taupin s’avère surtout nuisible sur la pomme de terre et le maïs.
  • Le sclérotinia s’est le bioagresseur le plus nuisible pour les producteurs, mais ces derniers utilisent du Constans et tentent de diversifier leur rotation pour éviter de le multiplier.
  • La pression aphanomyces dépend énormément de sa présence historique sur la parcelle, cela peut expliquer le faible nombre de producteurs touchés
  • La plupart des producteurs admettent avoir été touchés au moins une fois par le rhizoctone brun et la gale, mais ces derniers mettent fortement en avant les différences de sensibilité variétale, la gestion des amendements et les conditions climatiques comme jouant sur la pression que ces derniers peuvent rencontrer.

… et une prise de recul globale

Cette évaluation a permis de prendre en compte la fragilité potentielle des systèmes de cultures évalués. Mais, dans la pratique, les attaques constatées par les producteurs sont beaucoup plus nuancées. La pression ne dépend pas que de la sensibilité des cultures de la rotation mais aussi :

  • De la présence historique du bioagresseur dans la parcelle
  • Des conditions pédoclimatiques
  • De la sensibilité variétale des cultures
  • Des pratiques mises en place par le producteur (travail du sol, produits de protection des cultures, compétition entre micro-organismes via l’apport d’intrants organiques, achats de plants sains…)
  • De la difficulté à identifier l'origine des dégâts observés, notamment par les maladies telluriques cryptogamiques (champignons).

Quels leviers pour gérer les bioagresseurs telluriques ?

Une rotation longue et variée, avec une grande diversité de familles botaniques reste le principal et meilleur moyen de lutte :

  • L’intégration de céréales permet de casser le cycle des bioagresseurs telluriques (en dehors du taupin)
  • Le respect du délai de retour des familles botaniques sensibles
    • Diminue les plantes hôtes pour les bioagresseurs
    • Stimule et diversifie la flore microbienne des sols, antagoniste des pathogènes
  • La combinaison de leviers techniques dans une stratégie long terme, basée sur la prévention, l’observation et le principe de précaution. Le tableau ci-dessous reprend les principaux moyens de lutte mobilisables dans la gestion des bioagresseurs, à mettre en place avant ou pendant la culture.

Liste leviers de gestion des bioagresseurs telluriques

Une bonne connaissance du cycle de vie des bioagresseurs est également nécessaire pour élaborer une stratégie de gestion, dans le but de modifier les paramètres environnementaux favorables à leur développement ou encore en limitant la sensibilité de la plante.

En conclusion

Afin d’aider les producteurs à gérer au mieux les bioagresseurs telluriques, un ensemble de ressources bibliographiques sur le cycle biologique et les leviers de gestion des bioagresseurs telluriques est disponible das la partie "Bioagresseurs telluriques" de ce site internet.

Le tableau ci- dessous présente le niveau d'efficacité des leviers de gestion sur les différents bioagressseurs telluriques (+ : efficacité faible, +++ : efficacité forte)

Efficacité des leviers de gestion des bioagresseurs

 

 

Caractéristiques des rotations avec Légumes de Plein Champ (LPC)

L'alternance de céréales d’hiver et de LPC implantés au printemps + le labour quasi systématique avant LPC, favorisent les adventices à levée printanière :

  • qui lèvent grâce au travail du sol nécessaire pour le semis et l’implantation des légumes
  • dont les graines sont capables de persister dans le sol après un labour (faible TAD, Taux Annuel de Décroissance)
    • Agrostis, mercuriales, matricaire, renouées, chénopodes, ravenelles…

photos adventices annuelles

 ! Vigilance accrue sur les adventices toxiques comme la morelle et le datura (risque de déclassement) !

la liste et les caractéristiques des adventices annuelles qui ont été étudiées sont présentées dans le tableau ci-dessous :

périodes de levée préférentielle des adventices annuellles

 

Quels leviers pour gérer les adventices annuelles ?

Les producteurs enquêtés ont témoigné d'explosion des densités des adventices certaines années ou dans certaines parcelles. Ils se retrouvent alors débordés, ce qui peut résulter par l’abandon de certaines cultures.

 

1) La rotation

  • Une succession culturale diversifiée évite la sélection d’une flore spécialisée en augmentant la durée entre deux générations successives d’adventices de même type, réduisant ainsi leur potentiel de levée
  • Alterner des cultures d’automne/hiver et de printemps
    • Viser un peu plus de 50 % de cultures d’hiver dans la succession culturale permet de prévenir le développement d’adventices printanières dont le TAD (taux annuel de décroissance) est généralement faible.
    • Pour les adventices à levée automnale dont le stock semencier est peu persistant, une année de rupture avec une culture de printemps ou d’été permet de faire diminuer significativement le stock semencier (exemple du vulpin).

 

2) De nombreuses solutions mécaniques…

Au-delà du labour, relativement inefficace sur les adventices à faible TAD, de nombreuses solutions mécaniques existent pour gérer les adventices annuelles :

  • Faux-semis
  • Herse étrille en pré ou post-levée (en céréales)
  • Houe rotative sur céréales
  • Binages et désherbage thermique sur légumes
  • Déchaumages répétés…

Pour la plupart des producteurs, la répétition des faux semis et des désherbages en début de culture permettent de bien contrôler la pression adventices. Le désherbage sur le rang reste souvent problématique. Les producteurs investissent ou mutualisent aussi beaucoup dans du matériel performant.

 

3) Le désherbage manuel, conséquent pour les cultures légumières…

Planning et intensité désherbage manuel selon les cultures dans les exploitations enquêtées

Malgré l’efficacité des leviers mécaniques mis en place par les producteurs, la production de légumes nécessite un nombre d’heures de désherbage manuel conséquent, ce qui impacte également la durabilité économique et sociale des exploitations. (Voir les fiches « durabilité économique- maitriser les coûts de production » pour plus d’éléments sur le sujet).

Ces interventions manuelles ont lieu majoritairement au printemps et en début d’été, lors du pic de minéralisation des sols, peu après l’implantation des cultures. Après la levée des adventices consécutive aux travaux de préparation du sol, les adventices bénéficient tout comme les cultures de l’azote issu du pic de minéralisation du printemps, expliquant leur développement en parcelle et la multiplication des passages manuels.

 

4) D’autres leviers agronomiques à mobiliser tout au long de la rotation….

  • Etouffement des cultures et intercultures (cf. tableau ci-dessous)
  • Retard de la date de semis des céréales d’hiver
  • Entretien des bordures
  • Compostage du fumier
  • Récupération des menues pailles
  • Apport des fumures organiques à limiter si le désherbage mécanique est mal maitrisé

Capacité d'etouffement de plusisuers espèces qui peuvent être implantées en interculture

 

Exemple d’une stratégie de gestion à l’échelle de la rotation

Pour être efficace, la gestion des adventices doit se réaliser à l’échelle de la rotation, en alternant les dates de semis, et en combinant les désherbages mécaniques et manuels.

A titre d’exemple, les schémas suivants ont pour but d’expliquer l’impact d’une stratégie de désherbage sur la pression adventices d’un producteur. L’évaluation de la pression adventices a été réalisée à l’aide d’OdERA-Systèmes, qui évalue le niveau de risque de développement des adventices d’une parcelle en fonction des pratiques du producteur. Pour cela, les pratiques agronomiques décrites sont converties en note de risque, selon leur effet connu sur les adventices et en fonction des caractéristiques biologiques des adventices dominantes.

NB : Les labours annuels sélectionnent une flore adventice dont les graines sont peu détruites lorsqu'elles sont enfouies. Nous avons donc évalué le risque de développement d'adventices qui possèdent cette caractéristique (Taux annuel de décroissance <50%)

Decription et valuation d'une stratégie de gestion des adventices annuelles

HIVER : L'agrostis a une période levée préférentielle de décembre à avril. Le risque de levée dans les céréales est faible, car il n'y a pas de travail du sol à cette période et que les céréales sont plutôt étouffantes, surtout le triticale.Les nombreux désherbages en mars permettent de détruire une partie des graines.

PRINTEMPS : 50% des cultures de la rotation étant implantées au printemps, cela favorise les adventices à levée printanière. L’absence de faux-semis avant l’implantation des cultures légumières (sauf endive) favorise la levée des adventices dans les cultures au semis. Les opérations de désherbage mécanique (désherbage thermique, binages et désherbage manuel dans les légumes, herse étrille et houe rotative dans les céréales) atténuent le risque de développement des ces adventices, mais insuffisamment.

ETE : Seule l'implantation des endives, en mai, donc une fois tous les 6 ans seulement, favorise les adventices estivales (datura, les morelles et le panic). La combinaison, tous les 3 ans, de passages d’outils mécaniques et du désherbage manuel permet de les gérer efficacement. Si les date de semis tardives étaient plus fréquentes dans la rotation, cela favoriserait ces adventices.

AUTOMNE : Le faible nombre de déchaumages d'automne (une fois tous les 6 ans) ne permet pas de gérer efficacement la mercuriale et le séneçon qui lèvent aussi à cette saison.

A l’échelle de cette rotation, le risque de développement des adventices annuelles dont les graines sont peu détruites par le labour est particulièrement élevé pour cet exploitant. Bien que les adventices estivales soient correctement gérées grâce à une fréquence faible d’implantation tardive dans la rotation, de gros risques demeurent concernant les adventices printanières. Les interventions de l’exploitant ne permettent pas de diminuer efficacement le risque de développement de ces dernières.

 

En conclusion

Les rotations avec légumes de plein champ sont particulièrement touchées par les adventices à levée printanière et estivale à faible TAD, pour lequel le labour a une efficacité très partielle. Afin de gérer efficacement ces dernières, les producteurs doivent intervenir au plus tôt et démultiplier les faux semis et les désherbages mécaniques, bien que les légumes, de par leur faible couverture du sol, nécessitent également un grand nombre d’heures de désherbage manuel. Avec l’ancienneté cependant, bien que la lutte contre les adventices annuelles reste un défi permanent pour les producteurs, les annuelles ont tendance à devenir moins problématiques, au contraire des vivaces.

Afin d’aider les producteurs à gérer au mieux cette problématique, un ensemble de ressources documentaires sont disponibles sur le site d'OdERA-Systèmes.

Résultats de l'évaluation de la pression chardon dans les exploitations enquêtées

Le tableau ci-dessous présente les résultats de l'évaluation du risque de développement du chardon dans les exploitations enquêtées, réalisé avec l'outil d'OdERA-Vivaces.

En vert, la pression chardon tend à diminuer. En jaune, la pression chardon tend à se stabiliser. En rouge, la pression chardon tend à augmenter. Les dégradés de vert dans la partie « pratiques » indiquent l'importance des leviers pour gérer le chardon dans cette rotation.

Evaluation risque chardon des rotatoions eétudiées dan sles enquêtes

La pression chardon est plutôt bien gérée dans les exploitations évaluées, grâce à la mise en place d’une combinaison de leviers.

 

Exemple de l’impact d’une stratégie de gestion à l’échelle de la rotation

Description d'une stratégie de gestion du chardon efficace

Ce système de culture a une note très faible de risque de développement du chardon. Les atouts de cette combinaison de pratiques sont (par ordre d'importance) :

  • Une rotation comportant une culture pluriannuelle fauchée : la luzerne
  • Une fréquence élevée des déchaumages répétés d'été ou d'automne
  • Une rotation avec une fréquence élevée de légumes de plein champ : possibilité de travailler le sol pour épuiser le chardon au printemps + de faire des désherbages mécaniques et manuels en culture en mai-juin
  • La réalisation de labour réguliers

La gestion des adventices vivaces reste un point d’inquiétude majeur pour les producteurs de légumes de plein champ. Cependant, les producteurs arrivent correctement à gérer le chardon dès lors qu’une culture pluriannuelle fauchée ou que des déchaumages successifs sont mis en place dans la rotation. En revanche, le laiteron est souvent cité comme l’adventice qui pose de plus en plus de problème, notamment dans les cultures d’été.

Plus d'informations sur la gestion des adventices vivaces ici.