Choix-clés pour la durabilité

Certaines pratiques vont avoir un impact important sur plusieurs aspects de la durabilité. Ici, nous proposons de faire le point sur 4 choix qui vont être déterminants pour la gestion agronomique, environnementale, économique et sociale du systèmes de culture avec légumes de plein champ :

  • La rotation
  • L'interculture
  • La fertilisation
  • L'irrigation

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Fiche "Réfléchir à des systèmes légumiers biologiques et durables : Choix-clés"

La rotation

La rotation est un éléments clé pour la gestion agronomique à moyen et long terme de la parcelle, mais aussi pour la rentabilité économique du système et le calibrage du temps de travail. Nous faisons ici la synthèse des points forts et des points de vigilance de chaque grand type de production végétale : Légumes Plein Champ (LPC), céréales et cultures pluriannuelles fauchées (prairie ou luzerne).

Impacts de différents types de cultures sur la durabilité de la rotation

A retenir :

Les légumes plein champ fragilisent la durabilité du système de culture via :

  • Leur sensibilité aux bioagresseurs (taupin, sclérotinia, rhizoctone et laiteron) ;
  • La faible quantité de résidus de culture, qui ne permet pas d’entretenir les stocks de carbone, de P et de K du sol ;
  • Le risque de tassement induit des arrachages tardifs, souvent réalisés en mauvaises conditions (humides) ;
  • Les risques de pertes d’azote après les récoltes et les émissions de GES importantes dues aux nombreux travaux du sol et à l’irrigation ;
  • Le temps de travail nécessaire très élevé, surtout aux chantiers de désherbage et de récolte.

La rotation joue un rôle primordial pour la durabilité des systèmes légumiers biologiques car la plupart de ces impacts négatifs sont compensés par ceux, très positifs, d’une prairie ou d’une luzerne ou par d’autres leviers agronomiques comme les couverts d’interculture, l’apport d’engrais riches en carbone, la gestion des résidus, le choix du type d’irrigation, etc.

L'interculture

Le temps d’interculture, entre les récoltes de céréales et l’implantation des légumes de plein champ, est un temps privilégié pour entretenir la parcelle. Ce temps est dédié soit aux travaux répétés du sol en vue de maitriser les vivaces, et plus particulièrement le chardon, soit aux couverts d’interculture.

Nous résumons ici tous les bénéfices attendus et risques encourus de chacune de ses 2 pratiques.

Impact de la gestion de l'interculture sur la durabilité de la rotation

Les bénéfices et risques des travaux répétés et des couverts d’interculture dépendent beaucoup de la conduite de ces travaux.

Travaux du sol répétés : pour être efficace sur le chardon, un minimum de 3 passages est nécessaire. Ces passages seront plus efficaces s’ils sont déclenchés au stade appelé « point de compensation » (6-8 feuilles pour le chardon, 5-7 feuilles pour le laiteron).

En savoir plus dans les pages "adventices"

Couvert d’interculture : Les couverts d’interculture produiront plus de biomasse (absorberont donc plus d’azote et de carbone) avec une date d’implantation précoce, surtout pour les couverts avec légumineuses. Les effets bénéfiques du couvert pour l’alimentation azotée de la culture suivante et pour le stockage de carbone seront maximisés s’ils sont détruits avant de lignifier. Toutefois, dans l’objectif de limiter les pertes d’azote par lessivage en hiver, il est nécessaire de maintenir le couvert jusqu’en novembre.

Enfin, il peut être envisagé d’implanter un couvert très précocement, à la volée dans la céréale par exemple, pour le détruire 4-6 semaines après la moisson et faire des déchaumages répétés d’automne pour épuiser les vivaces. Il n’existe toutefois pas de références sur cette technique.

 

A retenir :

Les couverts ont un impact très positif sur la durabilité agronomique et environnementale de la rotation, mais leur implantation dépend de la maîtrise des adventices vivaces.  Un compromis doit donc être trouvé en fixant des règles pour décider à chaque interculture s’il vaut mieux implanter un couvert ou réaliser des déchaumages répétés.

La fertilisation

Impact du choix de la fertilisation sur la durabiité de la rotationLes engrais « fertilisants » ont pour objectif de fournir de l’azote aux cultures, mais ils ne permettent pas d’entretenir de façon correcte le stock de carbone du sol. Par ailleurs, la teneur en ammoniaque de ces engrais est souvent élevée, ce qui augmente, au moment de l’épandage, les risques d’émission de NH4, molécule responsable de la dégradation de la qualité de l’air. De plus, comme la vitesse de minéralisation de l’engrais dépend des conditions climatiques, il est possible qu’une partie de cet azote, s’il est apporté au printemps sur une céréale, soit minéralisé après la moisson et donc perdu par lessivage s’il n’y a aucun couvert végétal en été.

Les engrais « amendants » ont pour objectif principal d’entretenir le stock de carbone du sol, mais ils risquent de carencer la culture suivante en azote. C’est pourquoi ils sont apportés en général en été, avant une culture de printemps. La teneur faible en azote minéral et leur faible vitesse de minéralisation réduit les risques de pollution de l’air ou de l’eau.

En agriculture biologique, quel que soit l’engrais, l’azote doit d’abord être minéralisé dans le sol avant de pouvoir être absorbé par les cultures. La différence entre les fertilisants et les amendements organiques est leur ratio Carbone/Azote (C/N) : plus ce ratio est élevé, plus la dégradation de son carbone va mobiliser l’azote minéral du sol, qui sera donc moins disponible pour les cultures dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent l’apport. Les fertilisants ont donc un C/N faible et les amendements un C/N élevé.

NB : Le compostage des effluents d’élevage permet de diminuer le C/N et d’augmenter la capacité du carbone des effluents à être humifié (coefficient humique, K1, plus élevé). Le compostage permet donc de produire des effluents plus efficaces pour stocker du carbone dans le sol, et qui risquent moins de créer des faims d’azote pour les cultures suivantes.

En plus de la gestion du stock de carbone du sol et de l’alimentation en azote des cultures, les engrais fertilisants ou amendants permettent d’entretenir les teneurs en phosphore et en potassium du sol. Les cultures de légumes plein champ ont des besoins élevés en P et K, la disponibilité de ces éléments dans le sol ne doit pas être négligée. A minima, il faudra vérifier que les quantités de P et k apportées par les engrais permettent de compenser les exportations des cultures à l’échelle de la rotation.

Impacts en terme de durabilité de différents engraisA retenir :

Les engrais fertilisants et les amendements organiques sont tous deux nécessaires à l’entretien de la fertilité du sol. Les engrais fertilisants ont une action court terme pour assurer l’alimentation azotée des cultures, notamment des céréales, et les amendements sont nécessaires pour entretenir le stock de carbone du sol.

Le compostage des effluents d’élevage permet d’améliorer la capacité du carbone qu’ils contiennent à être humifié dans le sol et il réduit le risque de carence azoté pour les cultures suivantes.

Le choix des engrais doit également tenir compte des apports de phosphore et de potassium qu’ils représentent.

Irrigation

Le changement climatique se traduit, entre autres, par la fréquence plus élevée des printemps secs et des étés très chauds. Or le printemps est une période-clé pour la levée des cultures légumières, et la plupart des légumes poussant en été, les fortes chaleurs favorisent l’évapotranspiration et donc le déficit hydrique préjudiciable à leur croissance. Les cultures les plus impactée par le changement climatique ont une forte valeur ajoutée : oignon, haricot verts, pomme de terre, etc.

L’irrigation est donc un facteur clé pour assurer la pérennité économique des systèmes face aux changements climatique, mais nous avons voulu rappeler ici les autres impacts de l’irrigation sur la durabilité des systèmes.

Impact de l'irrigation sur la durabilité de la rotation

Stabiliser les rendements : les producteurs enquêtés ont mis en avant le fait que l’irrigation ne permet pas d’augmenter les rendements, mais plutôt de limiter leur variabilité, notamment de réduire les échecs dus aux printemps secs, de plus ne plus fréquents. A noter que les différences d’efficacité entre systèmes d’irrigation sur le rendement (en t / mm), sont surtout liées à la maîtrise des pertes d’eau par évaporation permises par chaque système d’irrigation.

Maitriser les charges de production : La mise en place de l’irrigation nécessite un investissement important pour la réalisation d’un forage (si nécessaire) et l’achat et l’installation de la pompe, en plus du matériel d’irrigation. Les charges de structure d’irrigation (forage et pompe) sont réduites lorsque cet investissement est partagé entre producteurs voisins. Le cout du système d’irrigation va beaucoup dépendre de la géométrie et de la dispersion du parcellaire.

Limiter les pics de travail : L’installation de la micro-irrigation est réalisée en avril-mai, juste après les désherbages mécaniques et avant le désherbage manuel, la fenêtre peut donc être très réduite. La désinstallation est réalisée en septembre-octobre, période qui peut être aussi chargée avec les récoltes. Le déplacement et la mise en route des enrouleurs représente un temps d’astreinte d’1 ou 2 h presque quotidien en juin-juillet, au moment où il faut aussi gérer les saisonniers pour le désherbage manuel.

Limiter le gaspillage d’eau : Les pertes d’eau sont dues à l’évaporation avant le contact avec le sol, elles sont conditionnées par la durée et les conditions de contact (température et vent) entre les gouttes et l’air. La quantité d’eau perdue dépend donc du type de buses utilisées et du moment de la journée auquel on irrigue : les pertes seront importantes même par micro-irrigation pour des buses à petites gouttes et lorsque l’arrosage est réalisé par temps chaud et/ou venteux. Mais le planning d’arrosage de la micro-irrigation est plus souple que celui de l’arrosage par enrouleur ou rampe, pour lesquels la flexibilité des créneaux d’arrosage est très réduit.

Maîtriser le bilan carbone : Le bilan carbone dépend ici de la consommation énergétique de la pompe, qui elle-même dépend de la puissance nécessaire à l’arrosage. A priori, la micro-irrigation requiert moins de pression et de débit, et donc une pompe moins puissante que les enrouleurs ou les rampes, mais cela dépend beaucoup de la distance entre la pompe et les parcelles à arroser et de la géométrie des parcelles è en pratique, sur les LPC plein champ, il faut souvent la même puissance de pompe car la longueur des tuyaux entraine de grandes pertes de pression et le débit nécessaire augmente avec le nombre de tuyaux. De plus, il existe des petits enrouleurs à faible débit qui nécessitent des pompes moins puissantes (3 m3/h contre 40-60 m3/h pour les enrouleurs grandes cultures classiques). NB : le bilan carbone peut aussi être amélioré, quel que soit le type d’irrigation, en utilisant une énergie renouvelable pour le fonctionnement de la pompe.

L'irrigation joue aussi un rôle dans la maitrise des bioagresseurs telluriques, cf. pages "bioagresseurs telluriques"

Ressources sur l’irrigation :

 

A retenir :

L’irrigation devient de plus en plus nécessaire pour assurer la production des légumes de plein champ avec le changement climatique, cependant elle impacte négativement la durabilité environnementale (émissions de GES, consommation d’eau) et sociale de l’exploitation. Ces impacts négatifs peuvent toutefois être limités en fonction du type d’irrigation et de son adéquation au parcellaire.