Le chardon est la principale vivaces citée par les agriculteurs biologiques comme problématique dans leurs parcelles. Il peut être présent dans toutes les cultures, en particulier dans les parcelles biologiques où il n’y a pas de prairies temporaires ou de luzerne. Pour le maîtriser, il est nécessaire de combiner différents moyens de gestion dans la succession culturale.
Vous trouverez ici les informations recueillies dans la bibliographie sur la biologie et les leviers de gestion du chardon dans le cadre d'Agri-Bio ; ainsi que la synthèse des essais de stratégies de gestion menés chez des agriculteurs en Hauts-de-France dans le cadre de VivLéBio 1.
Habitat
Types de sols : Le chardon des champs est la principale espèce de chardon présente en espaces cultivés. Il se développe dans tous types de sols.
Cultures : Le chardon peut être présent dans toutes les cultures. Les parcelles à hauts niveaux d’infestations sont souvent caractérisées par l’absence de prairies temporaires dans la rotation de cultures.
Caractéristiques biologiques
Le chardon des champs possède des tiges à port dressé, pouvant atteindre jusqu’à 1,5 m. Ses feuilles sont découpées et épineuses. Le chardon est reconnaissable à ses fleurs violettes réparties à l’extrémité des tiges.
Les racines du chardon peuvent se développer jusqu’à 6m de profondeur, mais la majorité des racines du chardon sont présentes dans les 30 à 60 premiers centimètres du sol. En sols profonds, le système racinaire du chardon lui donne un avantage concurrentiel vis-à-vis des autres espèces.
Cycle de reproduction
> Reproduction par les graines
Seulement 3 à 5% des plantes sont issues des graines. Les germinations sont peu fréquentes.
- Période de levée : Printemps
- Profondeur de germination : 1 à 6 cm
- Mode de levée : groupé
- Période de grenaison : Eté
- Quantité de semences produites : 1 500 à 5 000 graines
- Durée de vie des graines : jusqu'à 20 ans
Les graines du chardon possèdent des aigrettes plumeuses qui permettent leur transport par le vent jusqu’à une distance de 150 à 200 mètres. Cependant, les graines ont tendance à se détacher des aigrettes : à 10 mètres de la plante mère, seules 10% des aigrettes sont encore rattachées à une graine (Bakker, 1960).
Il ne faut pas négliger ce mode de reproduction même si son importance est faible, car les graines participent à l’introduction du chardon dans de nouveaux espaces.
> Reproduction végétative
Le chardon se reproduit principalement par multiplication végétative. Il se développe par tâches qui peuvent s’élargir d’1 ou 2 mètres par an.
Multiplication végétative : Le chardon est une vivace à drageons : ses racines sont capables de produire des tiges aériennes. Un chardon peut produire jusqu’à 16 drageons par mètre de racine et par an. Les chardons produisent des drageons à partir de la 2ème année de développement. Les drageons lèvent de février à octobre.
Régénération des fragments racinaires : En l’absence de perturbation du sol, seule une petite partie des bourgeons végétatifs racinaires sont en activité. Lors de la fragmentation d’une racine,
les bourgeons végétatifs sortent de dormance pour produire des drageons. C’est ce qu’on appelle la capacité de régénération.
- Une plantule de chardon peut se régénérer à partir du stade 2 feuilles.
- Un fragment racinaire de chardon est capable de former une nouvelle plante à partir d’une taille de 5 mm. La régénération est optimale pour des fragments d’au moins 2 cm.
Il arrive fréquemment que des fragments de racines restent collés aux outils de travail du sol et que le chardon soit introduit dans de nouvelles parcelles.
Stockage des réserves racinaires
Le chardon possède des réserves dans ses racines et ses organes végétatifs. C’est ce qui lui permet de repousser après chaque destruction et lui confère son caractère pluriannuel. Plus la quantité de réserves racinaires est importante, plus la capacité de régénération est importante, plus la capacité de régénération est importante en cas de fragmentation.
Les réserves évoluent au cours en l’année :
La connaissance de la variation des réserves au cours de l’année est à la base de stratégie de gestion des chardons. Il est conseillé d’intervenir mécaniquement :
- soit au printemps, parce que le chardon est plus sensible à une perturbation lorsque les réserves racinaires sont faibles.
- soit pendant l’été pour empêcher la reconstitution des réserves racinaires, et ainsi limiter la reprise du chardon au printemps suivant.
Le chardon atteint son point de compensation au stade 6-8 feuilles. A partir de ce stade, le chardon devient capable de se développer sans puiser dans ses réserves racinaires. En effet, l’énergie produite par la photosynthèse des feuilles de chardon devient suffisamment importante pour compenser la quantité de réserves racinaires utilisées par le chardon pour son développement.
Après le stade 6-8 feuilles, le chardon devient également capable d’accumuler le surplus d’énergie dans ses racines pour reconstituer ses réserves. Afin d‘épuiser les réserves du chardon, les interventions mécaniques doivent donc être réalisées avant que le chardon ait atteint le stade 6-8 feuilles, pour optimiser l’efficacité des interventions.
Références bibliographiques :
AGRIDEA, 2008. Chardon des champs. Fiche technique.
BAKKER D. ; 1960. A comparative life-history study of Cirsium arvense (L.) Scop. and Tussilago farfara L., the most troublesome weeds in the newly reclaimed polders of the former Zuiderzee. In Biology of Weeds, Symp. Brit. ecol. Soc., p. 205-222.
CREMER C., KNODEN D., STILMANT D., LUXEN P. ; 2007. Le contrôle des populations indésirables de rumex, chardons et orties dans les prairies permanentes. Les livrets de l’agriculture n°17.
ITAB ; 2005. Maîtriser les adventices en grandes cultures biologiques, p. 96-104.
MOORE R.J. ; 1975. The biology of Canadian weeds. 13, Cirsium arvense (L) Scop. Canadian Journal of Plant Science, n°55, p.1033-1048.
NKURUNZIZA L. ; 2010. Phenology and source sink dynamics of carbohydrates in relation to management of perennial weeds Cirsium arvense and Tussilago farfara. Thèse de doctorat: University of Copenhagen, Agriculture and Ecology.
RODRIGUEZ A., PRIEUR L., LAFFONT L., PRUD’HOMME M. ; 2007. Etude du transfert des réserves carbonées chez le chardon des champs (Cirsium arvense (L.) scop.) et conséquences pratiques. 20ème conférence du COLUMA « Journées internationales sur la lutte contre les mauvaises herbes ». Dijon, 11 et 12 décembre 2007.
TILEY G.E. ; 2010. Biological Flora of the British Isles: Cirsium arvense (L.) Scop. Journal of Ecology, n° 98 (4), p.938-983.
VERDIER J.-L. ; 2002. Biologie du chardon des champs. Journées techniques ITAB : « Lutte contre les vivaces en grandes cultures biologiques les cas du rumex et du chardon ». Paris, 1er février 2002.
Cultures concurrentielles
Luzerne et prairies temporaires fauchées
L’implantation d’une luzerne fauchée est le principal levier connu pour la gestion du chardon. Cela s’explique par les racines profondes de la luzerne, sa capacité de couverture du sol et de repousse rapide après les fauches successives. D’après Hodgson (1968), l’implantation d’une luzerne fauchée 2 fois par an, pendant 4 ans, permet la diminution du chardon à moins de 1% de sa densité initiale.
D’après des enquêtes réalisées dans le réseau Agri-Bio, la maîtrise du chardon semble meilleure avec les luzernes de 3 ans que les luzernes de 2 ans. Cependant, même après 2 ou 3 ans de luzerne, le chardon réapparaît en moyenne 3-4 ans après la destruction de la luzerne. Des moyens de lutte complémentaires doivent donc être mis en place dans la rotation de cultures.
Différents modes d’implantation de la luzerne, sous couvert de céréale ou après moisson, ont été testés chez un agriculteur du réseau Agri-Bio en 2015-2016. Dans le contexte de l’année 2016, la luzerne semée sous couvert s’est bien développée et le chardon semble avoir été mieux maîtrisé dans cette modalité.
Les prairies temporaires de graminées - légumineuses permettent aussi de maîtriser le chardon à partir de 3 fauches par an.
Étouffement par des cultures annuelles
Quelques cultures, comme le seigle ou le chanvre, concurrencent le chardon mais pas à un niveau comparable à celui de la luzerne. L’implantation de ces cultures, après des déchaumages successifs ou un travail du sol profond, aide à maintenir la pression sur le chardon.
Gestion mécanique en culture
Binages
Les binages successifs affaiblissent le chardon à partir de 3 interventions, mais ont un effet limité.
Cas particulier des légumes industriels de plein champ : une culture de chicorée a été binée 3 fois (en mai-juin) et désherbée à la main 2 fois (en juin), chez un agriculteur du réseau Agri-Bio. Les surfaces des taches de chardon ont été réduites de 85% au bout d’un an.
Travail du sol d’interculture
Déchaumages successifs
1) Stratégie d’épuisement
Intervenir au printemps : Le travail du sol avant les semis d’avril-mai permet seulement de retarder l’apparition du chardon. La période à laquelle le chardon est le plus sensible au travail du sol est en juin, au stade de début floraison. La réalisation de déchaumages est possible à cette période dans certains cas : avant la culture (haricots verts) ou après la culture (méteil). Comme ces situations sont peu fréquentes, il est conseillé d’intervenir après la récolte.
Intervenir pendant l’été : La réalisation de déchaumages successifs en conditions sèches après la récolte des céréales permet la réduction du chardon à partir de 3 passages.
En régions Centre et Ile-de-France, cover crop et déchaumeur à patte d’oie ont montré des efficacités comparables.
En sols légers (sableux, sablo-limoneux), l’utilisation d’un vibroculteur montre également de bons résultats. Cette technique est d’autant plus efficace que l’outil utilisé a un recouvrement élevé (voir illustration).
Des tests d’efficacité de 3 déchaumages successifs d’été, comparés au broyage d’un couvert de trèfle blanc semé sous couvert de céréale, ont été menés en 2014 chez des agriculteurs du réseau Agri-Bio. Les résultats montrent une diminution ou stabilisation des chardons avec 3 déchaumages successifs. L’effet du trèfle blanc broyé varie en fonction des taches.
La destruction des petites taches de chardon est plus facile. Il vaut donc mieux intervenir rapidement après l’apparition de taches de chardon.
2) Stratégie d’extraction
L’extraction des rhizomes a un effet limité sur le chardon, car la plupart des rhizomes est située en profondeur. Cependant, dans les essais menés, le passage d’un cultivateur rotatif à axe horizontal en sols légers et en conditions sèches, après récolte, entraîne une réduction chardon.
Labour
Le labour seul a un effet limité pour le contrôle du chardon. Un labour tardif de printemps permet toutefois de retarder son développement.
La réalisation d’un labour, à l’automne ou au printemps, la même année que des déchaumages successifs d’été permet d’augmenter l’efficacité des déchaumages.
La LUTTE BIOLOGIQUE (introduction d’organismes vivants) est une pratique en cours d’expérimentation. Aucune méthode n’est actuellement au point pour maîtriser le chardon par lutte biologique en grandes cultures.
Références bibliographiques :
AGRIDEA, 2008. Chardon des champs. Fiche technique.
BRANDSÆTER LO, GOUL THOMSEN M, WAERNHUS K, FYKSE H, 2012. Effects of repeated clover undersowing in spring cereals, and stubble treatments in autumn on Elymus repens, Sonchus arvensis and Cirsium arvense. Crop protection, n°32, p.104-110.
GRAGLIA E, MELANDER B, JENSEN RK, 2006. Mechanical and cultural strategies to control Cirsium arvense in organic arable cropping systems. Weed research, n°46, p.304-312.
HODGSON J.M. ; 1968. The nature, ecology, and control of Canada thistle. Technical bulletin n°1386, United States Department of Agriculture.
LUKASHYK P, KOPKE U, 2005. Strategies to control Cirsium arvense under organic farming conditions. 1ère conférence ISOFAR: Australie, 21-23 septembre 2005.
MELANDER B, HOLST N, RASMUSSEN IA, HANSEN PK, 2012. Direct control of perennial weeds between crops - Implications for organic farming. Crop Protection, n°40, p.36-42.
MOULIN V, 2011. Maîtriser le chardon des champs (Cirsium arvense) en agriculture biologique. Colloque de restitution « Demain la bio »: 8-9 Février 2011.
PEKRUN C, CLAUPEIN W, 2004. The effect of stubble tillage and primary tillage for weed population dynamics of Canada thistle (Cirsium arvense) in organic farming. Journal of Plant Diseases & Protection, Spec. issue XIX, p.483-490.
RASMUSSEN IA, 2011. Use of competitive crops to reduce Cirsium arvense. 3ème conférence ISOFAR: Bonn, 30 septembre 2011.
RODRIGUEZ A, PRIEUR L, LAFFONT L, PRUD’HOMME M, 2007. Etude du transfert des réserves carbonées chez le chardon des champs (Cirsium arvense (L.) scop.) et conséquences pratiques. 20ème conférence COLUMA : Dijon, 11-12 décembre 2007.
WEILL A, 2015. Effet de la jachère de printemps sur la répression du chardon, du laiteron et du tussilage. Colloque Bio pour tous !: Canada, 6 mars 2015.
Vous trouverez ici les documents sur les essais qui ont été réalisés dans le cadre de VivLéBio (2017-2019), par un réseau d'agriculteurs biologiques des Hauts-de-France et en collaboration avec les conseillers des chambres départementales d'Agriculture des Hauts-de-France et Bio en Hauts-de-France.
- Synthèse des résultats des essais de stratégies de gestion du chardon (10 pages)
- Poster de présentation des résultats des essais de stratégies de gestion du chardon
Articles dans la presse technique
Dans le guide préconisation AB des chambres d'agriculture des Hauts-de-France, a été publié un article sur les résultats des essais de stratégies de gestion du chardon menés dans VivLéBio en page 13 : "La gestion des vivaces : être tenace pour être efficace".
Cette synthèse des connaissances technique et scientifique a fait l'objet d'un article scientifique, rédigé par l'équipe de VivLéBio, dans la revue ASD (Agronomy for Sustainable Development).
Vous trouverez ci-dessous le résumé de l'article, et vous pouvez l'acheter ici.